"Inconnu de l'autre" Suite

Le titre officiel du roman est : "Reconstruire sa vie"   ça commence presque tout de suite à la suite du premier "Inconnu de l'autre" et en gros ça décrit comment ils vivent ensemble, comment ils gèrent leur vie passé en essayant de se construire un avenir. Bien sûr ils vont avoir pas mal de problèmes à gérer au cour de l'histoire comme affronter leur père ou bien aider un ami qui vit la même chose qu'eux il y a un an.
Prologue

Nous c'est Zacharry et Samuel, le début de notre histoire est celui-là : on est venu au monde le 12 novembre 1989, nous sommes donc jumeau. Et malgré cela nous n'avons pas grandit ensemble. Notre père, un type abominable, a choisi de se débarrasser de mon grand-frère avec l'aide du gynécologue. Le médecin, qui séparait les jumeaux depuis plusieurs années pour les étudier et, comme il le disait, prouver au monde que nous sommes des monstres, a accepté immédiatement de l'aider en faisant passer Zacharry pour mort le jour de la naissance. Mon frère a été adopté par la famille Sanders qui vivait juste à l'autre bout de la ville. Cependant, il nous a fallu des années avant de pouvoir nous retrouver, avant de pouvoir mettre fin au cauchemar qu'étaient nos vies sans notre moitié d'âme. Nous avions plus de 18 ans lorsque le médecin a enfin accepté de me donner l'adresse de mon jumeau, car je lui avais fait croire que nous ferions tous les tests qu'il voulait. Bien entendu, ce n'était que pure tromperie afin que je puisse enfin être auprès de mon frère. Après son arrestation et celle de sa complice, la directrice de l'orphelinat où a été Zac, un procès a eu lieu et ils ont été condamnés. Ce qui nous a, bien évidement, permis de surmonter un peu cette histoire. Enfin nous sommes ensemble. Lui et moi. Comme nous aurions toujours dû l'être. Juste tous les deux chez nous, dans notre bulle. Les cours n'ont pas encore reprit, alors nous en profitons pour être seuls. Pour nous retrouvés, nous découvrir, approfondir notre connaissance de l'autre. Nous savons que Maxime et Maria, nos amis respectifs, sont arrivés aussi, mais ils comprennent que nous souhaitons rester enfermés pour le moment. Nous vivons dans une petite maison avec, pour seul voisin, un couple de personne âgé. Et ils n'ont pas à se plaindre de nous pour le bruit, comme ils le craignaient à notre arrivée. Parce que, d'abord ils sont à moitié sourd et qu'en plus nous ne parlons quasiment pas. Nous passons le plus clair de notre temps collé l'un à l'autre dans un silence total. Après avoir manqué de l'autre pendant plus de 18 ans nous ne supportons plus d'être séparés, même une seconde. Et lorsque nous sortons, nous tâchons de trouver des endroits où il n'y a pas trop de monde, qui ne sont pas trop fréquentés afin d'être le plus seuls possible. Bref, nous sommes rentré à la fac à présent, il y a un peu plus de trois mois et voici la suite de nos aventures.


1/ La famille.

Les vacances de Noël approchent, et l'obligation familiale que nous avons prise avec. J'ai vraiment pas envie d'honorer cette promesse. J'ai attendu tellement longtemps de vivre enfin cette histoire, qu'on se retrouve enfin seuls tous les deux. Malgré ce puissant désir que nous partageons de ne plus quitter notre bulle, il y a tous les jours des gens qui nous en empêchent. Ce qui m'agace par dessus tout, c'est d'être obligé de retourner dans la ville où le drame a eu lieu, dans la ville où nous avons grandit si loin l'un de l'autre. Alors, ce soir encore, en m'installant près de mon jumeau je lui dis :

  • J'veux pas rentrer à Melercreeck. J'veux pas retourner là-bas.
  • Sam, soupire-t-il en attrapant ma main. Le dire et le répéter ne sert qu'à te torturer. On doit rentrer pour Noël. Mais, ils savent qu'on ne restera que quatre jours, du 23 au 26. Alors, calme-toi, d'accord.

Je pose ma tête sur son épaule avant d'avouer :

  • J'aime pas retourner là-bas, tu sais. Tout est tellement différent maintenant.
  • Je sais que nos univers ont complètement éclatés, que plus rien ne sera comme avant. Et en même temps on l'a voulu, que les choses changent, puisqu'il fallait qu'on se retrouve. Cependant, vu que je sais ce qui te perturbe, on peut essayer de fêter Noël chez mes parents. J'appellerais maman demain. Ça me plairais aussi qu'on fasse ça chez moi.

Je dépose un baiser sur sa joue pour le remercier avant de remettre ma tête contre son cou pour finir de regarder le film. Vendredi 19 décembre, il est 17h00 quand nous rentrons de cours et une nouvelle fois je soupire :

  • J'veux pas retourner chez nos parents.

Zacharry rigole en fermant la porte, je lui dis :

  • Te marre pas, c'est pas drôle !
  • Si. On continue de se découvrir l'un l'autre, on apprend à se connaître et je ne te savais pas si râleur. Ça m'amuse, c'est tout. Il vaut mieux en rire, vu la raison.
  • Je ne râle pas comme ça d'habitude. Là c'est seulement parce que...
  • Tu te sens mal. Je sais. Mais, petit frère, c'est le tout premier Noël qu'on va passer en famille. Alors, même si je sais très bien qu'à chaque fois qu'on est là-bas tous les souvenirs de ce qui est arrivé nous torturent, on n'a pas le choix. On doit y aller.
  • Sauf qu'au départ on avait dit qu'on ferait Noël juste tous les deux puisque les parents sont venus squatter pour notre anniversaire.
  • Je sais Sam. J'ai horreur de te voir aussi angoissé, de la ressentir aussi intensément depuis des semaines. Je ne sais plus comment te rassurer. Je voudrais... J'ai pas plus envie que toi d'aller là-bas.

Je le sais bien et c'est ce qui rend la chose encore plus atroce. Je soupire, il vient prendre ma main en murmurant :

  • Petit frère, ça va aller.
  • Fais-moi un câlin, demande-je avec une voix d'enfant.

Il me serre dans ses bras avec sa tendresse habituelle que j'aime tant. J’enfouis mon visage contre son cou en fermant les yeux. Après quelques secondes de silence, mon jumeau chuchote en me caressant le dos :

  • Ça ira, je te le promets. On est ensemble maintenant. C'est la seule chose que tu dois garder en mémoire quand on sera là-bas. Plus jamais je te laisserais, tu entends, plus jamais.

Après un nouvel instant de silence il ajoute :

  • En attendant, on a trois jours pour être rien que tous les deux et je compte bien en profiter.

Nous passons le week-end à jouer de la guitare dans cette parfaite synchronisation qui nous unis toujours. J'adore ces moments où on est ensemble enfermés dans une bulle de créativité. J'aime chanter rien que pour lui, perdu au fond de ses yeux. Comme je l'ai fais le jour où j'ai débarqué chez lui. Samedi et dimanche nous programmons des petites soirées comme nous les aimons, c'est à dire : promenade nocturne, dîner dehors, ciné et boite de nuit. Lundi matin, nous sortons de nouveau faire un tour dans le parc, dans un silence beaucoup plus intense que d'ordinaire. L'angoisse s'empare de moi une nouvelle fois, et même si je m'efforce de lutter contre elle, elle me dévore. Toute la journée, mon frère tente de me distraire, de me faire penser à autre chose. Malgré tout son amour je n'arrive pas à me détendre. Je ne veux pas rentrer à Melercreeck, je ne supporte pas de revoir ce passé me défiler devant les yeux comme si tout était arrivé hier. Je sais bien que Zac ne se sent pas mieux, sauf qu'il sait beaucoup mieux que moi cacher ce qu'il ressent. J'ai tellement besoin de lui. C'est pourquoi dans l'après-midi, lorsqu'il me demande si je veux qu'on appelle Maria, ma meilleure amie, pour qu'elle vienne à la maison je lui dit que non. J'veux seulement être avec lui et surtout quand je me sens mal.

Les heures tournent et le stress de mon petit frère ne cesse d'augmenter. Rien de ce que je peux dire ou faire le calme. Je pense que c'est la dernière fois qu'on rentre voir nos parents avant au moins plusieurs mois. C'est trop l'horreur comme situation. Là il est 21h30, ça fait des heures qu'il n'a pas dit un mot et une bonne heure et demie qu'il est blottit contre moi. Tout en glissant ma main dans son dos je demande :

  • Hé, tu ne veux pas dire un truc ?
  • Genre quoi ?
  • J'sais pas. Ce que tu pense du film, par exemple.
  • Qu'il est nul. Complètement irréaliste, absolument pas crédible. Et que j'ai horreur des films d'extra-terrestre à part E.T.
  • Ok, ça c'est fait.

Il se redresse, me regarde droit dans les yeux avant de dire :

  • J'suis désolé, vraiment.
  • C'est pas la peine.
  • Si. J'suis insupportable depuis des semaines. On vient juste de se retrouver toi et moi, et c'est pas comme ça que je voyais les choses. Je...
  • Chut, souffle-je en posant mes doigts sur ses lèvres. Il y a aucun problème Sam. Il faudra du temps pour surmonter ce qui s'est passé. On ne rattrape pas 18 ans en quelques mois. J'apprendrais à t'apprivoiser, à mieux gérer ces instants là. Je te le promets. T'as pas à t'excuser, détends-toi. J'suis peut-être la seule personne sur cette terre à réellement penser ces mots, mais je t'aime tel que tu es et jamais je ne te demanderais de changer quoi que ce soit.
  • C'est la même chose pour moi. Mais, la prochaine fois évite les films avec les extraterrestres pour me remonter le morale, ça marche pas.

Je souris, il en fait de même, je dépose un baiser sur son front, il semble légèrement plus calme, même si j'ignore combien de temps cela va durer. Et j'ai raison de m'inquiéter parce que, vers minuit, nous allons nous coucher, au départ chacun dans notre lit, mais en m'apercevant que plus d'une heure après Samuel ne dort toujours pas, qu'il ne cesse de changer de position en soupirant, je quitte ma couette discrètement avant de me glisser derrière lui. Je passe mes bras autour de son corps en me rapprochant de lui, en même temps qu'il murmure :

  • Zac...
  • Chut, chut, calme-toi. J'vais rester là cette nuit, essaye de te détendre.

Il cesse de s'agiter et parvient enfin à s'endormir. Je le rejoins rapidement au pays des rêves. Dormir ensemble nous a toujours permis de passer une nuit paisible. Nous sommes mardi 23 décembre, il est 10h00 et nous venons de prendre la route. Pour le moment seule la radio meuble le silence pendant que mon petit frère regarde le paysage défilé l'air désespéré. Puis soudain il me dit :

  • Hé, on va directement chez tes parents, hein.
  • Oui, c'est ce qui est prévu. Mais... tu ne veux pas qu'on...
  • Non. Pas tout de suite en tout cas.
  • C'est comme tu veux. On n'est pas obligé d'y aller, de toute façon, dis-je doucement en prenant sa main.

Il y dépose un baiser, simple merci silencieux. Je souris, j'aime cette nouvelle façon de communiquer que nous mettons en place implicitement. Lorsque nous arrivons chez moi à 12h30, ma mère se jette pratiquement sur nous en s'exclamant :

  • Les enfants, vous êtes là, enfin !

Elle nous serre tous les deux contre elle en ajoutant :

  • Vous m'avez manqué.
  • Maman, on s'est vu il y a à peine plus d'un mois.

Mon père sourit avant de dire :

  • Ça suffit chérie, laisse-les.

Juste avant que nous montions poser nos affaires, Samuel demande :

  • Est-ce que maman et Carrie vont nous rejoindre ?
  • Oui, trésor, ta maman viendra en fin de journée et Jennyfer est partie chercher Carrie.

Il hoche la tête et nous allons jusqu'à ma chambre. Nous laissons nos affaires dans un coin avant que Sam se laisse tomber sur mon lit. Je m'assois près de lui, passe ma main dans ses cheveux en chuchotant :

  • T'es fatigué, toi.

Il hoche la tête en fermant les yeux, puis me demande :

  • Je peux dormir avec toi, ce soir ? J'pourrais pas... tout seul...
  • Hé, évidement que tu peux. T'as pas à poser la question.
  • Les garçons, venez manger !

Nos sœurs sont dans le salon, elles nous étreignent une seconde puis nous passons à table. Mes parents nous questionnent un peu sur les partiels que nous avons passés la semaine dernière, mais voyant que nous n'avons pas vraiment envie de parler, ils discutent avec nos sœurs, nous laissant tranquille. Un peu après le déjeuner, nous leur faisons part de notre envie d'aller nous promener dans le parc, personne ne demande à nous accompagner, ayant comprit que nous voulons rester seuls. Cependant, avant que nous partions maman nous arrête pour m'interroger :

  • Chéri, est-ce que vous allez bien ?
  • Ouais, ça va. On est juste un peu crevé à cause des exams, mais ça devrait aller maintenant.

Elle semble convaincue par la réponse qui est vraie sans pour autant être toute la vérité. Et ça me va parce que j'ai aucune envie de m'expliquer, surtout quand je sens l'angoisse de mon frère refaire surface violemment. Lorsque nous sortons de la maison, j'attrape sa main en disant :

  • Respire Sam, j'ai pas l'intention d'avouer à qui que ce soit qu'on déteste être ici.
  • Tu sais ce qui me torture le plus quand on est là, c'est l'idée qu'on puisse croiser l'autre abrutit de...
  • Mark ? Ton père ?
  • Hum. Carrie le voit parfois et il paraît qu'il lui demande de nos nouvelles. Mais, elle ne dit rien vu qu'elle sait qu'on ne veut pas qu'il soit au courant de quoi que ce soit.
  • Écoute, j'peux pas t'assurer qu'on le croisera pas, mais tu peux essayer de ne pas trop y penser. Franchement, après tout ce qu'on a subi ça ne vaut pas la peine qu'on se torture encore.
  • J'admire ton calme, tu sais.

Je ris une seconde avant de répondre :

  • Non, de nous deux, tu es largement le plus calme et le plus patient. Là, je le suis parce que je m'y oblige, parce que tu vas mal et que tu as besoin que je me contrôle pour pouvoir te rassurer. Parce que c'est comme ça que ça marche, murmure-je.

Il s'arrête, lève les yeux vers moi en disant :

  • J'ai tellement besoin toi.
  • Et moi donc, ajoute-je dans un souffle en le serrant contre moi.

Vers 20h00 Sarah se joint enfin à nous, en voyant Samuel elle dit :

  • Mon fils, mon chéri, viens là.

Elle le serre dans ses bras pendant que je me demande ce que je suis censé être, moi. Je suis une partie d'elle tout comme Sam, elle nous a mit au monde tous les deux. Et pourtant elle n'est pas ma mère. Elle lâche mon frère s'approche de moi, m'embrasse sur la joue avant de demander :

  • Ça va mon grand ?
  • Oui.

Ma mère passe sa main dans mes cheveux en souriant, puis nous dit de passer à table. Je regarde mon frère, avec qui je partage cette envie de fuir. Il prend ma main, dépose un baiser sur ma joue et m'entraîne à la salle à manger. Comme ce midi, nous restons en retrait des conversations durant tout le repas. Cependant, quelques heures plus tard, Sarah vient nous questionner alors que mon frère somnole devant la télé :

  • Les garçons, vous voulez venir à la maison demain ?

Sam marmonne un truc incompréhensible, mais comme je sais qu'il ne veut pas y aller, je réponds :

  • Ça va pas être possible, on doit voir Max et Maria. Et ensuite on va aider papa et maman à préparer le réveillon.
  • D'accord. Plus tard alors.
  • Hum.
  • Est-ce que Mark vous a contacté depuis... ?
  • Ah non, pas ça, dit Sam en se levant. J'vais me coucher.

Je le regarde partir pendant que sa mère l'appelle :

  • Samuel, qu'es-ce qui ne va pas ?
  • J'suis crevé ! balance-t-il depuis l'escalier.

Je soupire, elle reporte son attention sur moi pour demander :

  • Il y a un problème ?
  • On est vraiment obligé de parler de lui ? Maintenant ? Alors qu'on s'apprête à passer notre premier Noël ensemble.
  • Et bien... ça peut attendre, mais tes parents et moi aimerions bien savoir ce que vous ressentez. On n'en n'a pas reparlé et nous sommes un peu inquiets. Surtout quand je vois Samuel réagir comme ça.
  • C'est... compliqué, d'accord. Et j'ai vraiment... vraiment pas envie d'avoir cette discussion avec vous. Et encore moins sans Sam.
  • Tu devrais monter le rejoindre d'ailleurs, me dit Jenny. Je l'ai croisé dans le couloir et il n’avait vraiment pas l'air bien.

Je m'apprête à quitter la pièce lorsque ma mère me dit :

  • Zac, chéri, tu sais que si vous avez besoin, de quoi que ce soit, on est là.
  • Je sais maman. Bonne nuit.

Je monte rapidement jusqu'à ma chambre qui est plongé dans le noir, j'appelle :

  • T'es déjà couché, Petit Prince.

Non, ne voyez rien de bizarre derrière ce surnom. Zacharry m'appelle comme ça depuis quelques mois maintenant. Le Petit Prince est son roman préféré et il trouve que je ressemble à ce personnage. Il finit par s'apercevoir que la fenêtre est ouverte et glisse sa tête au travers.

  • Pourquoi tu te caches ? demande-t-il en sortant s'asseoir auprès de moi.
  • J'en ai marre... de tout ça...
  • Hé, non, pleure pas Petit Prince. Qu'est-ce qui ne va pas ? questionne-t-il en me faisant basculer dans ses bras.
  • J'voudrais pouvoir me... cogner la tête et devenir... amnésique. Oublier mon passé... pourri, oublier que... mon paternel est un malade... oublier que je t'ai... perdu pendant 18 ans.
  • Je comprends. Essaye de te calmer. Tu sais, j'en rêve aussi, pouvoir oublier que j'ai pleuré à chacun de mes anniversaires sans même savoir pourquoi. Oublier que chaque fête de famille m'a torturé parce qu'il manquait toujours quelqu'un. J'voudrais pouvoir oublier que nos mères sont incapables de nous partager. Et que Sarah ne sera jamais vraiment ma mère.
  • J'voudrais rentrer chez nous. Là-bas au moins je me sens bien, je ne pense qu'à nous.
  • Et aux filles.
  • Quoi ! m'exclame-je en me redressant.
  • Désolé, il fallait que je dise une connerie pour me changer les idées.
  • Je te demande pardon, j'arrête pas de te prendre la tête.
  • Non, je voudrais que t'arrête de t'excuser pour ça. On a besoin d'en parler et comme on le fera jamais avec les parents, il faut qu'on le fasse ensemble.
  • D'accord, murmure-je avant de bailler longuement.
  • Rentrons, il faut qu'on dorme un peu. En plus j'suis gelé.

J'entends frapper contre la porte, je grogne tout en sentant le corps chaud de mon frère contre moi. Son bras glisse sur ma taille en même temps qu'il questionne :

  • C'est quoi ce boucan ?
  • Ta mère, chéri. Il est déjà 11h00 les garçons et j'crois que vous devez retrouver vos amis à 13h00.
  • Hum, c'est vrai. Merci.

Lorsque nous descendons, Wendy est encore dans la cuisine et en nous servant le café elle nous interroge :

  • Vous dormez toujours ensemble. Vous le faites aussi chez vous ?
  • Maman ! On t’a déjà expliqué. Ça nous arrive parfois, on a seulement besoin d'être proche.
  • Et en dormant dans la même chambre ça ne suffit pas ?
  • Ça ne suffira jamais et vous ne comprendrez jamais. La discussion est close.

Wendy regarde son fils, surprise qu'il lui tienne tête de cette façon, mais elle n'ajoute rien. Nous rejoignons Maxime et Maria au centre ville. Nous les avons quittés il y a quelques jours à peine, puisque nous sommes tous les quatre en fac à Silvercreeck. Nous les saluons en nous arrêtant avec eux. Mon amie me regarde perplexe, se demandant sans doute la raison de notre absence de sourire. Max questionne mon frère sur les projets de l'après-midi. Zac répond :

  • Il me faut un dernier cadeau.
  • Pour lui ? l'interroge-t-il en me montrant du doigt.
  • Non. Ça c'est fait depuis longtemps.
  • Et t'en as trouvé 19 ?
  • Ouais.
  • Tu sais, même s'il ne m'offrait rien ça me serait égal. Tout ce que je veux pour Noël c'est lui.

Zac me regarde et me serre contre lui. Je ferme les yeux en m'accrochant à lui et Maxime jette :

  • Hé, vous êtes pas tout seul !
  • On est au courant, marmonne-je en m'éloignant de mon jumeau et des autres.
  • Non, mais Sam...
  • Laisse tomber, Max, chuchote mon frère.

Maria me rejoins et questionne :

  • Hé chou, ça va pas ?
  • J'suis vraiment obligé de te répondre ?
  • T'ai-je déjà forcé à me parler ?
  • Non.
  • Je sais qu'il y a un truc qui cloche, parce que même Zac n'a pas l'air bien. Mais j'vous embêterais pas. Si vous avez envie de discuter j'suis là.
  • Merci.

Comme Zacharry et Maxime sont encore loin de nous, j'interroge mon amie :

  • Dis, ça te dirais qu'on se fasse un truc ensemble pour le 31 ?
  • Tu n'as pas déjà un truc prévu avec ton frère ?
  • Pas vraiment. On pourrait peut-être se faire quelque chose tous les quatre.
  • Oui, d'accord. Mais... tu lui demande pas ?

J'appelle :

  • Monsieur Sanders !

Il lève les yeux vers moi en souriant et répond :

  • Oui p’tit chat, tu veux quelque chose ?

Max et Maria rigolent, Zac nous rattrape et j'explique :

  • On se fait une soirée tous les quatre pour le 31.
  • Ouais, ce serait sympa.

On passe une bonne partie de l'après-midi au centre commercial puis nous rentrons, accompagné de Maxime qui habite en face de chez mon frère. En nous arrêtant dans la rue, Maxime nous dit :

  • J'vous souhaite une bonne soirée, même si j'ai l'impression que vous voulez juste qu'elle soit finie.
  • Ça se voit tant que ça qu'on voudrait être ailleurs ? lui demande Zac.

Maxime hoche la tête et nous rentrons. Nous aidons d'abord les parents dans les préparatifs du réveillon avant qu'il nous envoi nous changer. En attendant que mon frère revienne je m'allonge sur son lit, j'suis vraiment crevé, j'dors trop mal en ce moment. Un instant plus tard, je le sens monter sur le lit à quatre pattes avant de s'allonger derrière moi tout en passant son bras sur ma taille. J'enlace mes doigts aux siens puis il questionne :

  • Est-ce que tout va bien Petit Prince ?
  • J'ai un cadeau pour toi.
  • Je sais, y en a 19 au pied du sapin.
  • Non, mais ça c'était pour le fun, parce qu'on l'avait fait pour notre anniversaire sans s'en parler. Celui-là il est... un peu plus intime. Je ne veux pas que les autres le voient.
  • Moi aussi, j'ai quelque chose pour toi.

Je sors la petite boite de ma poche et lui fait passer. Il s'assoit avant de l'ouvrir et s'exclame :

  • Waho ! Il est magnifique !
  • Y a, heu... y a un truc dedans.
  • « À toi pour toujours. » Plus jamais je ne te laisserais t'échapper Petit Prince.

Il me serre dans ses bras après avoir déposer un baiser sur ma joue. Quelques secondes plus tard il me dit :

  • À mon tour.

Il me fait basculer pour passer au-dessus de moi pour atteindre la table de chevet et en sortir une boite plus grande que celle que je lui ai donnée. Avant de la prendre je lui demande :

  • Pourquoi ?
  • La même raison que ça, répond-t-il en montrant l'anneau à son doigt.

J'ouvre enfin l'écrin pour voir apparaître un bracelet en argent avec, presque les mêmes motifs que sur l'anneau qu'il porte, sans plus attendre je le retourne pour remarquer qu'il a fait graver : « tu es toute ma vie. » Je souris, les yeux brillants. Il prend le bracelet, me l'attachant au poignet droit juste au-dessus de la gourmette qu'il m'a offert il y a quelques mois.

  • Jamais plus, souffle-t-il, jamais plus je ne te laisserais t'éloigner de moi, ajoute-t-il en plongeant dans mon regard.
  • J'ai pas l'intention de m'en aller.
  • Oui, mais... commence-t-il en jouant avec l'anneau.

Je pose mes mains sur son visage avant de déposer un baiser sur son front et de chuchoter :

  • Je sais... je sais qu'elle est ta plus grande peur.
  • Les garçons, vous descendez, tout le monde est là.

Je ferme les yeux en retenant un soupir et mon frère murmure :

  • Je t'aime Petit Prince.
  • Je t'aime aussi.

La soirée ne se passe pas trop mal finalement, Samuel et moi nous efforçons d'être présents tout en étant un peu à l'écart. De toute façon personne ne discute réellement avec nous, sauf lorsque Sarah nous questionne :

  • Les garçons vous voulez venir à la maison demain soir ? En fin de journée par exemple. On se fera une petite soirée sympa et vous repartirez vendredi quand vous le voudrez.

J'échange un regard avec mon frère qui sait pertinemment que si on dit non on va encore avoir droit à une très longue série de question auxquelles nous n'avons pas envie de répondre. Donc nous acceptons avant de nous esquiver vers les desserts. Après avoir ouvert nos 19 cadeaux, ceux des parents et passer un peu de temps avec notre famille recomposée nous quittons le salon pour nous retrouver dans la chambre. Je me laisse tomber sur le lit en soupirant. Sam grimpe à mes cotés sans rien dire, il pose sa tête sur mon épaule, j'attrape sa main en l'interrogeant :

  • Tu veux qu'on fasse un truc ? Qu'on se regarde un film ou tu préfère te coucher ? Il est déjà 2h30 du matin.
  • Et bah, j'suis bien là. Et ouais, j'aimerais bien dormir. Je rêve d'une nuit complète sans cauchemar, sans réveil en sursaut toutes les deux heures.
  • Alors bouge pas, j'vais éteindre.
  • Mais, on est tout habillé.
  • Et t'as froid ?
  • Un peu. J'préférerais me mettre sous la couette.
  • Vas-y, déshabille-toi, je regarde pas.

Il rit en se levant et je lui dis :

  • J'aime t'entendre rire. Ça me manque beaucoup en ce moment.
  • Je te promets que tout ira mieux quand on sera rentré. Dès que je me serais éloigné de ce trop plein de souvenirs horribles.
  • Allez viens, viens près de moi. Viens t'endormir dans les bras de Zacharry.
  • Ça sonne vachement moins mythologique que Morphée. Mais j'suis crevé et j'sais pas où trouver ce Morphée alors fait moi une petite place.

Je souris en soulevant la couette et le laisse venir se blottir contre moi, avant de fermer les yeux en appréciant profondément cet instant. Le lendemain, nous passons une bonne partie de la matinée devant la télé et personne ne fait de commentaire sur le fait que Sam soit collé contre moi. C'est vrai que ce n'est rien en comparaison de la façon dont nous nous installons quand nous sommes chez nous. Cependant, quand arrive l'après-midi et que nous devons rester à la maison parce qu'il neige beaucoup trop, que mes parents propose de faire des jeux de société tous ensemble, et que Sam refuse, tout dérape. Sarah le questionne :

  • Mais qu'est-ce que t'as ?
  • Rien ! J'préfère jouer de la guitare. J'aimerais répéter certains morceaux que j'ai composé il y a pas longtemps.

Elle capitule en lui demandant encore :

  • Tu reste quand même dans le salon ?
  • Ouais, si vous voulez. J'vais chercher ma guitare.

Lorsqu'il s'éloigne elle m'interroge :

  • Qu'est-ce qu'il a ton frère ?
  • J'ai pas envie qu'on en discute aujourd'hui.
  • Mais...
  • S'il te plaît, c'est vraiment pas le jour.

Encore une fois elle lâche l'affaire, puis nous commençons la partie en même temps que mon jumeau vient s'installer sur le rebord intérieur de la fenêtre avant de se mettre à jouer. J'ai du mal à me concentrer sur le jeu parce que la musique de mon frère me bouleverse, chaque partition est emplie de mélancolie, de tristesse. J'ai horreur de le voir comme ça, de ressentir son mal-être aussi profondément, j'ai encore du mal à m'habituer au fait de ressentir quasiment tout ce qu'il ressent. Il enchaîne avec deux morceaux un peu plus énergiques qui me font du bien, sauf qu'il arrête ces douces mélodies avant de se lever. Je m'exclame :

  • T'arrête pas, s'il te plaît.
  • Heu, désolé, mais y faut vraiment que je fasse une pause.

Je souris, il me lance un clin d’œil et fait glisser ses doigts dans mes cheveux en passant derrière moi. Il est 18h00 à présent, nous nous apprêtons à partir avec Sarah. Je questionne mes parents :

  • Vous nous retrouvez demain à midi ? On partira sûrement en fin d'après-midi.
  • Oui chéri, on sera là demain.

Ils me serrent dans leurs bras avant d'en faire de même avec mon frère et nous laisse partir. Samuel ne semble pas plus heureux d'avoir retrouvé sa maison et sa chambre. Je lui retire sa veste en disant :

  • Demain soir on sera chez nous à cette heure là.
  • J'aimerais déjà y être.

La soirée se passe pas très bien, personne ne parle, c'est vraiment pas génial comme soirée en famille. Carrie me regarde, semblant me demander ce qui se passe. Je hausse les épaules, alors elle lance un sujet de conversation pour rompre ce silence pesant. Comme Sarah ne nous force pas à rester avec elle et Carrie, nous montons regarder un film juste tous les deux. Je m'approche de la fenêtre en glissant mes doigts sur ma nuque et Samuel me dit :

  • Toi aussi tu ne supporte pas d'être dans cette ville et c'est encore plus horrible quand on n’est ici, pas vrai.

Je me tourne, le regarde droit dans les yeux avant de questionner :

  • Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?
  • Qu'on ne reviendra pas ici avant longtemps.
  • Pas avant le 21 juin, en tout cas.

Il esquisse un sourire, j'ajoute :

  • Il y a longtemps que tu prévois de remonter sur scène ?
  • Quelques semaines. J'voulais te faire une surprise, mais de toute évidence je ne peux plus rien te cacher.
  • Non, plus rien.

Il sourit encore, puis me dit :

  • Tu mets un film.

Après s'être déshabillé il se glisse dans son lit, j'viens m'allonger près de lui et il pose sa tête sur mon épaule. Lorsque le film se termine, je l'appelle doucement :

  • Petit Prince, lève-toi, j'vais éteindre.

Comme il ne bouge pas, je me penche et remarque qu'il s'est endormit, je souris puis l'allonge délicatement avant de poser un baiser dans ses cheveux et de murmurer :

  • Joyeux Noël, petit frère.

Cependant, le temps que j'arrête le dvd et que je me déshabille, je l’entends m’appeler :

  • Zac... Zac t'es où ?

Je reviens sur son lit, passe mes doigts sur son visage en chuchotant :

  • J'suis là, chut, tout va bien, rendors-toi.
  • Reste... près de moi.

Je pensais que cette nuit nous dormirions chacun dans notre lit, sauf qu'il ne se sent pas bien, que je ne vais pas très bien non plus, alors je fini de retirer mes fringues et le rejoins. Lorsque je me réveil le vendredi matin, je suis tout seul dans le lit, le poste indique 10h15, alors je me lève pour partir à la recherche de mon jumeau. En entrant dans la cuisine il n'y a que Sarah, je l'interroge :

  • Il est où le petit... heu Sam ? Il est où Sam.
  • Comment tu appelle ton frère ?
  • Ça n'a pas d'importance. Est-ce que...
  • Si, ça en a, me coupe-t-elle. J'vous trouve vraiment bizarre tous les deux.
  • Mais, arrêtez avec ça ! Mes parents et toi vous ne cessez pas de répéter qu'on est bizarre, qu'on fait des choses pas normales, que notre relation vous inquiètes. Sauf que personne n'essaye de comprendre ! On vient juste de se retrouver après 18 ans de séparation forcée. Alors tout est démesuré entre nous. Le manque est démesuré, la souffrance est démesurée, le besoin de l'autre est démesuré, nos sentiments le sont aussi. On ne contrôle rien, tu sais. On tente juste de rattraper ces 18 années perdues tout en essayant d'oublier notre passé, ou au moins de vivre avec sans trop en souffrir et de nous construire un avenir même si on ne sait pas comment faire. On aurait besoin de votre soutien et pas de vos reproches.
  • Ton... ton frère est dans le jardin.

Je ferme les yeux en soupirant, j'suis même pas certains qu'elle est écoutée ce que je viens de lui dire. Je trouve effectivement mon frère dehors, je l'appelle mais il ne se retourne pas. Je m'approche encore et pose ma main sur son épaule, le faisant sursauter. Il retire ses écouteurs en me faisant face.

  • Désolé, je ne voulais pas te faire peur.
  • Tu as bien dormis ?
  • À peu près. Et toi ?

Il secoue la tête négativement en regardant le sol, puis avoue tout bas :

  • J'ai pas arrêté de faire des cauchemars.
  • Et là, tu faisais quoi ?
  • Mes traces de pas dans la neige fraîches, répond-t-il en souriant.

J'en fais de même avant de l'interroger :

  • La raison officielle c'est quoi ?
  • Je fuis maman. J'avais pas envie de discuter avec elle.

Je hoche la tête en frissonnant. Évidement, j'suis sorti en pull. Je lui demande :

  • Tu rentre avec moi ? J'ai pas pris mon petit déj encore.

Nous nous installons au salon avec Carrie qui regarde la télé et Sarah reste à l'écart, ne cherchant pas à revenir sur notre conversation. À 18h00 nous sommes devant l'entrée, en disant au-revoir à mes parents, ma mère demande :

  • On se revoit bientôt.
  • J'en sais rien. On risque d'avoir pas mal de boulot à partir de janvier. Mais si vous voulez venir un week-end y a pas de soucis.
  • Avec ou sans Sarah ? questionne mon père tout bas.
  • Heu c'est... c'est comme vous voulez.
  • D'accord chéri.
  • Vous appelez quand vous êtes arrivés, dit Sarah en s'approchant.

Comme à l'aller je prends le volant puis en entendant mon frère soupirer je lui dit :

  • Content de rentrer chez nous.
  • Oh ouais. Et d'ailleurs, vu qu'on va rentrer vers 20h00, on se commande une pizza ?
  • Un plateau télé ? Ouais, ça me va.
  • Super.

Je suis content, ça me fais plaisir de le voir sourire sincèrement. Maintenant tout ira mieux, en tout cas, temps qu'on ne remettra pas les pieds à Melercreeck.



                                                   2/ Les filles.


Nous sommes samedi soir, le 27 décembre et nous allons danser, juste tous les deux parce que ni Maxime ni Maria ne sont encore revenus. Nous nous défoulons sur les rythmes énergiques de la musique, et après ce week-end plus que stressant ça fait un bien fou. Mais, un instant plus tard, une fille vient m'enlever mon frère. Je me retrouve planté là, au milieu de la piste de danse, aussi seul que si j'étais en plein désert. C'est vrai, ça se passe toujours comme ça, c'est comme un contrat implicite entre nous : on danse ensemble jusqu'à ce que quelqu'un vienne nous chercher. Pourtant, je m'y fais pas. Depuis le jour où j'ai débarqué chez lui je ne désire plus qu'une chose : le garder pour moi tout seul. Je commande un verre et scrute la salle depuis le bar. Je reconnais certaines filles de notre promo et d'autres que Maxime nous a présentés à sa soirée d'anniversaire. D'ailleurs l'une d'elle m'aperçois, me fait de grands signes avant de venir jusqu'à moi, elle s'exclame :

  • Salut Zacharry !
  • Non, moi c'est Samuel.
  • Ah. Ça fait rien, ajoute-t-elle en souriant.
  • Tu veux quelque chose ?
  • On danse ?

Je hoche la tête et elle m'entraîne sur la piste au moment même où les slows sont lancés. Elle se blottit contre moi pendant que je cherche mon frère qui n'est pas très loin, toujours avec la même fille. Il me lance un clin d’œil et j'esquisse un sourire malgré une pointe de jalousie qui écorche mon cœur. Je continue les slows, les yeux rivés sur mon frère qui en fait de même et lorsque la chanson se termine il lâche sa cavalière pour venir vers moi et dit à Jena :

  • Tu permets que je le récupère.
  • Heu, j'aimerais bien...
  • C'était pas une question.
  • Ok sympa. Merci pour la danse.

Je hoche la tête, la regardant s'éloigner avant de reporter mon attention sur mon frère. Il me dit :

  • On rentre, j'en ai marre.
  • Ça fait à peine deux heures qu'on est là.
  • J'veux rentrer. S'il te plaît, me dit-il comme un enfant.

Nous marchons rapidement pour aller nous mettre au chaud, il fait super froid ce soir. En arrivant nous nous dirigeons tout de suite vers la chambre et juste avant de nous coucher Zac vient me prendre dans ses bras. Je suis d'abord surpris de son geste, un peu étonnant à cet instant, mais en l'entendant murmurer :

  • Personne d'autre... personne d'autre n'a le droit de se blottir contre toi. C'est interdit.

Je comprends que c'est juste sa jalousie maladive qui le fait parler. Alors pour le taquiner un peu je l'interroge :

  • Et tu compte interdire ça comment ? Tu vas faire voter une loi ?
  • Peut-être oui.
  • Et puis c'est pas juste, t'es parti le premier avec une fille. Pourquoi tu fais tout ça ?
  • Parce que t'es à moi. Personne n'a le droit de t'emmener.
  • Bonne nuit Zac, dis-je en m'éloignant de lui. J'ai horreur de t'entendre parler comme ça.
  • Excuse-moi, me laisse pas tout seul.
  • Où tu veux que j'aille ? Il est 3h00 du matin, j'suis en caleçon et y fait moins 15 dehors. Couche-toi andouille.

Nous nous installons d'abord chacun dans notre lit, mais quelques minutes après avoir éteins la lumière mon frère se glisse derrière moi. Quand il pose sa main sur ma taille, je le questionne :

  • À quoi tu joue grand frère ?
  • À rien. J'ai peur parfois... souvent même. Mais, j'voulais pas te mettre en colère.
  • Ok, ok, endors-toi maintenant, il est tard.

C'est le 31 décembre, Maxime et Maria sont à la maison. Ils sont dans le salon en train de discuter avec Sam pendant que je prépare le repas. Il vient me rejoindre, grimpe sur le plan de travail comme il le fait toujours puis me dit :

  • Max propose d'aller à la soirée de l'un de ses potes de fac après le feu d'artifice. Ça te dit qu'on y aille ?
  • Hum, ouais si vous voulez. C'est loin ?
  • Tout près de la colline où on va.
  • Ok. On va passer à table. Tu vas chercher le reste du monde.

Nous montons sur la colline et attendons avec toutes les autres personnes qu'il soit minuit. Lorsque les premières détonations résonnent Maria s'approche de mon frère, mais plus rapide je le serre contre moi en murmurant :

  • Bonne année Petit Prince.
  • Bonne année, répond-t-il en déposant un baiser sur ma joue.

Je ferme les yeux en le serrant un peu plus contre moi, puis laisse Maria prendre ma place. Nous restons sur place encore un moment à discuter de nos projets pour cette nouvelle année qui s'annonce plutôt bien, puis suivons Maxime jusqu'à la soirée. Quand nous arrivons, la musique, la foule et un mélange de fumée nous enveloppe. Max nous traîne sur la piste de danse improvisé et lance :

  • Allez les gars, on se détend, c'est la fête !

Son pote de promo débarque et l'emmène ailleurs, je regarde autour de nous, comme dans chacune de ces soirées il y a beaucoup plus de filles que de mecs et justement l'une d'elle vient me kidnapper. Mon frère m'appelle, je le regarde en souriant, mais laisse cette jolie créature me faire danser.

Les yeux rivés sur mon jumeau, j'ai du mal à croire ce que je vois. J'ai pourtant pas beaucoup bu, je n'hallucine pas, où j'ai peut-être pas suffisamment bu pour comprendre son comportement. Ses mains se baladent sur le corps de cette inconnue comme s'ils étaient seuls, il caresse chacune de ses courbes, de ses formes au milieu de centaines de personnes. C'est vrai, je ne sais pas comment il se comporte avec les filles d'ordinaire, mais je pensais pas qu'il était du genre démonstratif en public. J'écarquille les yeux en le voyant l'embrasser goulûment. Je regarde Maria, toujours à mes cotés, elle me dit :

  • Laisse-le. Tu ferais mieux de t'amuser au lieu de poursuivre ta contemplation.

Voyant que je ne bouge pas, elle ajoute :

  • J'vais chercher à boire.

Je ne peux pas détacher mes yeux de mon frère. Lui et moi on est pareil sur énormément de point, déjà physiquement, mais aussi sur le caractère. Sauf que certaines choses nous différencient, on est même diamétralement opposé à certains niveaux. Et ça fait mal. J'ai peur que ces détails que nous n'avons pas en commun finissent par nous éloigner et nous séparer. Comme nous n'avons pas grandit ensemble nous n'avons pas cherché ni à nous ressembler ni à nous différencier l'un de l'autre. Nous avons juste essayé de nous construire avec l'absence de l'autre. Lorsque Maria revient, je descends le verre de vodka cul sec, beaucoup trop blessé pour me rendre compte que c'est idiot et m'éloigne pour trouver une cavalière quand mon amie est enlevée par un danseur de hip-hop. J'avale encore deux verres avant d'attraper une fille, elle s'exclame :

  • Hé, Samuel Mayers ! J'aurais jamais cru te voir dans ces soirées.
  • Bah, j'suis là. On danse ?

Je me laisse aller dans ses bras, à moitié assommé par l'alcool. Elle m'embrasse, j'y prends un profond plaisir, me rendant compte que la dernière fois que c'est arrivé remonte à une éternité. Cependant, quelqu'un cri :

  • Je peux savoir ce que tu fais ?

Je me détache de ma partenaire pour faire face au perturbateur, qui ce trouve être mon jumeau. Donc je réponds :

  • Je m'amuse, on est là pour ça.
  • T'as bu !
  • Peut-être un peu.
  • Ça suffit, on rentre !
  • Non, pas déjà !
  • Si, maintenant !
  • C'est quoi le problème ?
  • T'es en train de te donner en spectacle là ! Tu te rends compte de ce que tu fais ?
  • Attends, tu faisais pire y un quart d'heure !
  • Bon les gars, j'vais voir ce qui se passe ailleurs, dit-elle en s'éloignant.
  • Non, attend, heu...
  • Tu connais même pas son prénom.
  • Parce que tu connais celui de la fille que t'as tripoté ?!
  • Oui.
  • Bah voyons !
  • De toute façon, j'veux pas discuter de ça. On rentre !

Je le regarde droit dans les yeux m'apprêtant à répliquer, mais en voyant la profonde tristesse qui y brûle je capitule. Y a des fois où j'ai vraiment du mal à comprendre ses réactions. Après s'être assuré que Maria ne soit pas seule, nous quittons la fête et prenons en silence le chemin de la maison.

Cela fait plus d'une heure que nous sommes rentré et je n'arrive pas à dormir, je tourne et me retourne dans mon lit. Mon frère jette :

  • Tu veux pas arrêter de gigoter comme ça !
  • Tu ne dors pas non plus.
  • J'vois pas comment je pourrais dormir alors que tu fais un bruit pas possible avec ta couette.
  • Désolé.

Je l’entends soupirer, puis il demande :

  • J'peux savoir ce que tu nous as fait ce soir ?
  • À quel moment exactement ?
  • J'crois que tu le sais très bien. J'parle du moment où t'as débarqué en criant.
  • En vérité, j'suis pas sûr de pouvoir l'expliquer.
  • Essaye quand même ! J'voudrais comprendre !

Il est toujours en colère et c'est normal. J'agis bizarrement des fois et je ne lui ai jamais dis pourquoi. Donc, maladroitement je me lance :

  • Tu vois je... depuis que... depuis que je t'ai retrouvé je... je suis incapable de te partager avec quelqu'un d'autre. Je veux que... que tu reste avec moi... et... juste avec moi. Quand je vois... quelqu'un près de toi ça me rend dingue.

Samuel vient se glisser dans mon lit pendant que je poursuis :

  • Je sais que j'fais des trucs pas cool, mais j'ai... tellement peur qu'on t'éloigne de moi à nouveau que je ne peux plus réfléchir. Cette jalousie et la peur s'empare de moi et je ne contrôle plus rien. J'veux pas te perdre c'est tout.

Il vient se mettre un peu plus contre moi, pose sa main sur mon bras en disant :

  • Personne ne pourra m'éloigner de toi. Personne ne nous séparera d'accord. Je sais que nos peurs sont incontrôlables, mais ce serait quand même bien si tu pouvais gérer un peu mieux cette jalousie maladive. Sinon ça va être l'horreur à chaque fois qu'une fille s'intéressera à l'un de nous. Surtout que ça non plus t'as pas l'air de le contrôler.
  • De quoi ?
  • Ton attirance pour les filles ! Dès qu'il y en a une dans le coin il faut que tu poses tes mains sur elle.
  • T'es jaloux petit frère.
  • Faut pas exagérer quand même.

Je dépose un baiser dans ses cheveux et nous nous endormons de nouveau unis dans cette bulle de tendresse que nous apprécions tant.

Quelques semaines plus tard, nous sommes le 31 janvier 2009, et ce soir je suis avec Maria. Pendant que nous mangeons elle ne cesse de me parler de Tim, son copain, qu'elle a rencontré à la soirée du 31 décembre. Remarquant que je l'écoute qu'à moitié, elle me dit :

  • Si ça t’ennuie ce que je raconte dis-le.
  • Non, c'est pas ça...
  • Je sais pourquoi on est là, tu sais.
  • Et ?
  • Et si ça te gêne tu devrais lui dire.
  • Non, ça ne me dérange pas. Enfin, si, j’apprécie pas de me faire virer de chez moi pour que mon frère s'envoie en l'air. Mais, c'est une sorte de contrat qu'on a passé lui et moi. Si on a besoin l'autre s'éclipse. Moi aussi je lui ai demandé de partir.
  • Combien de fois ?
  • Deux.
  • Et ça fait déjà la quatrième fois qu'on se voit à cause de ça en un mois. Et à chaque fois c'était une fille différente.
  • Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?
  • Bah, que tu vas dire à ton frère de calmer un peu ses ardeurs et que tu te trouve une fille. Et crois-moi, celles qui rêve de toi, qui donnerait beaucoup pour un regard de ta part sont plus nombreuses que tu le crois.
  • Hum, on décolle le film va commencer.

Juste avant de rentrer dans le cinéma elle revient à la charge en disant :

  • J'ai quelqu'un à te présenter chou. Elle te plaira, je le sais.
  • Attend, elle... elle va venir là ?
  • Non, non, hé, relax. J'veux te la présenter, mais une prochaine fois. J'veux seulement que tu la vois, ok, si tu ne veux pas la revoir après tu feras ce que tu voudras.
  • Hum. Tu sais que je déteste les rencards arrangés.
  • Je sais. Mais t'as aussi besoin que quelqu'un prenne soin de toi quand ton frère ne le fait pas.

C'est les vacances de février, j'vais rejoindre Maria en ville, elle doit me présenter sa copine aujourd'hui. Et pour faire semblant que ce n'est pas un rendez-vous arrangé elle vient avec Tim. Ce qui, pour moi, est précisément un rancard arrangé. En plus j'suis pas vraiment d'humeur là, mon frère est encore avec sa copine. C'est vrai, depuis qu'on est ensemble c'est la première fois qu'il reste aussi longtemps avec une fille : trois semaines. Seulement c'est difficile de s'en réjouir même s'il est heureux parce que ça nous éloigne beaucoup et j'aime pas ça. Il essaye d'y faire attention, mais ça ne change rien, on se voit moins souvent et ça fait trop mal. Ils sont déjà tous là quand j'arrive, je jette un coup d’œil à ma montre, Maria me dit :

  • T'es pas en retard, chou, c'est nous qui sommes en avance.
  • Ah.

Je les salut tous les trois, puis nous partons faire un tour. Au départ nous discutons tous ensemble, mais petit à petit Maria et Tim se font plus discrets, nous laissant, Linda et moi faire un peu plus connaissance. Maria avait raison, elle me plaît, physiquement d'abord, nous avons aussi beaucoup de points communs, et elle semble déjà amoureuse de moi. Ce qui est un chouïa effrayant. Je ne sais pas si j'ai envie de quelqu'un d'autre dans ma vie. C'est vrai que ça ne me ferais pas de mal de penser à autre chose qu'à mon frère et sa copine. Et... il se pourrait bien que j'ai envie de m'amuser sans me prendre la tête. Zac le fera déjà suffisamment quand il saura que je suis avec quelqu'un. Ce qui n'est pas encore tout à fait officiel. Maria m'attrape une seconde quand nous nous arrêtons prendre un verre :

  • Alors, elle te plaît ?
  • Oui, si elle veut bien de moi, j'suis partant.
  • Pourtant, on dirait que quelque chose cloche. Tu faisais une drôle de tête en arrivant.
  • Non, c'est rien. Zac c'est encore enfui avec Jane. Et... bref.
  • Non, dis-moi.
  • Tu vas trouver que ça craint.
  • Sam, on se connaît depuis longtemps. Peu importe ce qui t'arrive, j'suis pas là pour te juger.
  • Je... je me sens seul, très seul quand il n'est pas là. On ne s'est quasiment pas séparé depuis la fin du lycée, sauf que depuis début janvier il n'arrête pas de s’esquiver et j'ai horreur de ça.
  • Ok, je vois. La situation est compliquée entre vous et le sera sûrement pendant longtemps. Sauf qu'il faut que tu vives ta vie quand même.
  • Pas sans lui, Maria. Je l'ai cherché pendant 18 ans, tu le sais mieux que personne.
  • Dis oui à Linda, c'est tout ce que j'ai à dire.

Je soupire en ramenant la commande. J'ai parfois l'impression que personne ne comprends ce qu'il y a entre Zac et moi. Linda et moi continuons de faire connaissance tout en discutant avec Maria et Tim, puis lorsque nous sortons du café, je prends sa main sans rien dire. Elle me sourit, j'en fais de même, finalement ravi d'avoir à mon bras une jolie et adorable fille.

Les vacances sont presque finit, nous sommes le 20 février et je me rends chez Maxime, il faut que je parle à quelqu'un.

  • Whao t'en fais une tête ! s'exclame-t-il en me faisant entrer.

Je soupire en me laissant tomber sur le canapé, il s'installe en face de moi en questionnant :

  • Alors, qu'est-ce qui t'arrive ?
  • Sam à une copine.
  • Et ?
  • Ça me plaît pas !
  • Tu la connais au moins ?
  • Non, il me l'a pas encore présenté. Mais, j'veux pas qu'il soit avec elle.
  • Ah oui ? Tu sors bien avec Jane, toi.
  • C'est pas pareil !
  • Bah tiens ! J'peux savoir pourquoi ?
  • Parce que c'est mon frère ! Mon frère à moi !
  • Dis-moi, tu penses que ça lui plaît de te savoir avec Jane ?
  • Qu'est-ce qui cloche chez nous ?
  • Ce qui ne va pas, Zac, c'est que vous faites comme si rien ne s'était passé, vous essayez de vivre comme si vous n'aviez jamais été séparé. Et c'est pas une bonne idée. Vous avez besoin l'un de l'autre. Vous ne faites que vous éloignez avec vos histoires d'amour ou de sexe. Alors que vous avez besoin de temps, vous avez besoin de vous retrouver, Zac. Il faut que vous preniez du temps pour vous, juste vous deux. Être jaloux et vous engueuler ne sert à rien.
  • T'as sûrement raison. Seulement, cette vie là c'est tout ce que je connais, moi. Ce qui se passe entre Sam et moi quand on est chez nous c'est trop démentiel et parfois ça m'effraie, et puis, pour l'instant j'suis bien avec Jane et je doute que Sam veuille déjà quitter... heu... Linda.
  • Il sort avec Linda ? La copine de Maria ?
  • Heu ouais apparemment. Tu la connais ?
  • Oui, oh oui.
  • D'accord, marmonne-je en comprenant qu'elle est aussi passée dans son lit.
  • Oubli ce détail, ok. Concentre-toi sur ce que tu dois faire avec ton frère.

Je soupire encore et nous sortons faire un tour dans le parc. Le lendemain, alors que nous sommes blottit l'un contre l'autre devant un film quelqu'un sonne à la porte. Je regarde mon frère qui se lève, lui demandant :

  • Tu sais qui c'est ?
  • Linda.
  • Quoi ?
  • J'voudrais te la présenter officiellement.
  • Pourquoi tu ne me l'as pas dis ?
  • J'voulais pas que tu t'énerve.
  • Mais Sam, on devait passer la journée ensemble.
  • Je t'en prie Zac, j'vais pas la laisser devant la porte.
  • Pourquoi pas ?
  • Zac ! Sois sympa, s'il te plaît, c'est important. Et je te promets que demain on passera absolument toute la journée ensemble.
  • Je veux la soirée d'aujourd'hui et toute la journée de demain, sinon elle reste dehors.
  • S’il y a que ça pour te faire plaisir.
  • Pas seulement ça, mais pour cette fois... murmure-je tandis qu'il ouvre la porte à sa copine.

En me voyant elle se fige et dit à Sam :

  • Attends, vous êtes... heu...
  • Jumeaux, fini-je. Ça te pose un problème ?
  • Bah, les jumeaux m'ont toujours fait flipper.

Je regarde mon frère, prêt à la mettre dehors, mais en le voyant troublé je me ravise et répond à sa copine :

  • De toute façon on se voit qu'aujourd'hui.
  • Ouais, ça me va.

Elle s'assoit très loin de moi, Sam la rejoint toujours un peu perdu. Puis nous discutons un peu, même si j'ai du mal à rester calme quand je la vois tripoter mon frère, mon Petit Prince. J'ai envie de hurler ! C'est pas possible ! Est-ce que lui aussi ça le met dans cet état quand je suis avec Jane ? Ça craint ! Ça me rend dingue, il faut que je m'en aille. N'ayant trouvé aucune solution pour fuir, je reste là à bouillir intérieurement jusqu'à 17h30 que Sam décide de la raccompagner. Lorsque la porte se referme je soupire longuement avant d'aller chercher ma guitare, je jette un coup d’œil dans les textes de Samuel pour voir s'il ne manquerait pas une partition à l'un d'eux. Je tombe sur une feuille extrêmement gribouillé, raturé, où il n'y a que quelques lignes de noté :

« Tu ne me regardes pas,

Quand elle est là,

Je n'existe pas.

Tu sais, je déteste ça,

Qu'elle t'emmène loin de moi.

Je déteste te voir partir,

Ça ravive les mauvais souvenirs.

Je voudrais...

Tellement de choses impossibles. »

Mon cœur se serre douloureusement et voir mon prénom graver dans une larme ne fait qu'accentuer le malaise. C'est l'horreur intégrale et j'vois pas comment arranger la situation. Je range les feuilles, j'suis trop bouleversé pour composer, je me contenterais de jouer ce que je connais par cœur. Je retourne m'installer sur le canapé, commence les accords d'une chanson de Sam et ferme les yeux pour contenir ma tristesse. Il me fait sursauter quand il rentre enfin. Il est couvert de flocons de neige et claque des dents, je me précipite vers lui en disant :

  • Petit Prince, t'es gelé.
  • C'est vrai... j'avais pas... remarqué.
  • Va prendre une douche, vite.
  • Il faut... qu'on parle.
  • Après. D'abord tu te réchauffe, file.

Pendant qu'il se douche je fais chauffer du thé et retourne attendre au salon. Il m'y rejoint un instant plus tard, je lui dis :

  • Hé, c'est mon pull celui-là.
  • Je sais, mais il est bien chaud et j'ai encore froid.
  • Viens là, viens, dis-je en ouvrant les bras.

Il s'installe contre moi, je l'enlace tendrement et dépose un baiser sur sa joue. Il pose sa tête sur mon épaule après avoir récupéré la tasse de thé fumante. Lorsqu'il la repose sur la table, il me dit :

  • Elle te plaît pas, n'est-ce pas ?
  • Sam, on est vraiment obligé de parler de ça maintenant ?
  • Non. Mais, il y a autre chose et ça c'est important.
  • Je t'écoute.
  • J'aimerais... qu'on ait une journée par semaine rien que pour nous. Une journée où on ne voit pas nos copines, pas nos potes non plus. Un jour rien que pour nous deux.
  • J'crois que c'est important oui. On pourrait dire que le samedi soir on ne découche pas et que le dimanche c'est notre journée. Et on reste ensemble, toi et moi.
  • Tu le veux vraiment ? questionne-t-il en se redressant.
  • Évidement, j'veux passer plus de temps avec toi.

Il sourit, dépose un baiser sur ma joue puis repose sa tête sur mon épaule.

  • Il faudrait quand même qu'on mange un bout.

Il me tend son portable en disant :

  • J'veux pas bouger de là. Fais ce que tu veux.
  • 4 fromages.
  • Hum hum.

Je souris puis passe commande en le sentant frissonner contre moi. Alors, après avoir raccroché j'attrape le plaid derrière nous et l'enroule dedans avant de refermer mes bras sur son corps. Lorsqu'on sonne à la porte je l'aide à se redresser, je crois qu'il était en train de s'endormir. Je récupère notre dîner, et remarque, en revenant près de lui, qu'il s'est allongé sur le canapé les yeux fermés. Je m'accroupis devant lui, passe ma main sur son visage en demandant :

  • Tu te sens bien p’tit frère ?
  • Hum. J'suis juste crevé.
  • J'espère que t'es pas en train de tomber malade.
  • J'irais pas chez le médecin. Je hais ces gens là.
  • Je sais oui. Alors on va dire que t'as juste besoin de dormir. On mange et après je t'emmène dans ton lit.
  • Tu resteras avec moi ? questionne-t-il en ouvrant les yeux.

Je lui souris tendrement, laisse mes doigts redessiner les contours de son visage avant de répondre :

  • Si tu veux. Mais d'abord, il faut manger.

Il est 22h30, mon frère est de nouveau en train de s'endormir alors j'éteins la télé et l'emmène dans la chambre. Je l'aide à se déshabiller puisque garder les yeux ouverts semble compliquer. Ne me voyant pas le rejoindre dans son lit, il appelle :

  • Me laisse pas... tout seul... ange.

« Ange ? Depuis quand je suis un ange moi ? Et le sien en plus ? En même temps si ça lui fait plaisir, je suis tout ce qu'il veut. » Je fini de retirer mes fringues et me glisse auprès de lui. Il vient se blottir contre moi quand mes bras passent sur son corps fin. En fait, c'est ça que j'aime. La seule et unique chose que j'aime, avoir mon Petit Prince endormit contre mon cœur. Ce que je voudrais, ce dont je rêve, c'est pouvoir vivre avec lui et juste avec lui, pouvoir nous enfermer dans une bulle hors du monde. Je dépose un baiser dans ses cheveux et ferme les yeux pour le rejoindre aux pays des rêves. Le dimanche matin, 22 février, je suis le premier réveillé, je jette un coup d’œil à la radio qui indique 9h15. Il est encore tôt, mais j'ai suffisamment dormis. Sauf que je ne veux pas quitter le lit et surtout pas lâcher mon frère. Alors, je reste là, les yeux rivés sur lui à caresser son bras. Je voudrais que cet instant ne s'arrête jamais. Cependant, quelques minutes plus tard, il remue un peu et s'étire toujours contre moi, je passe ma main sur sa joue. Il sourit en ouvrant les yeux, je murmure :

  • Salut.
  • Salut. Ça fait longtemps que tu m'observe ?
  • Un moment. J'aime bien, avoue-je tout bas.
  • Qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui ?
  • Rien du tout et tout ce que tu voudras.
  • Je peux abuser en réclamant un petit dej au lit ?

Je ris avant de répondre :

  • C'est notre journée, je ferais tout ce qui te plaira.
  • T'es un ange.

Je frissonne, l'entendre dire cela me procure une drôle de sensation, pas désagréable cela dit. Je dépose un baiser sur son front et quitte le lit un instant. Je reviens avec le plateau et lui dit :

  • Monsieur est servi. Café noir et croissant sorti tout droit du four.
  • Génial ! Cette journée commence vraiment bien. Mais viens, viens près de moi.

Je mets un peu de musique et retourne dans le lit avec lui. Un peu plus tard, il pose sa tête sur mon épaule en fermant les yeux. Je lui demande :

  • Comment tu te sens ce matin ? Est-ce que ça va mieux qu'hier ?
  • Hum ça va. J'suis encore un peu fatigué, ce qui n'est pas très étonnant vu que je dors super mal depuis un moment.
  • Ouais, je sais ça. Et heu... il faudrait qu'on aille faire une course avant que les magasins ferment. Tu veux venir avec moi ou tu préfère rester au chaud ?
  • Je veux rester avec toi.
  • Ok. alors habille-toi, j'vais prendre une douche et on y va.
  • Et après on reste ici.
  • Tout le reste de la journée, c'est promis.

Sur le chemin du retour nous croisons Jane, elle me saute dessus, éloignant mon frère du même geste. Il me regarde, les sourcils froncés, je hausse les épaules en m'excusant silencieusement et Jane questionne :

  • Qu'est-ce que tu fais ?
  • On avait besoin d'un truc. Et là on était en train de rentrer.
  • Et tu as quelque chose de prévu après ? Tu fais un truc cette après-midi ?
  • On passe la journée ensemble.
  • Toi et moi ! s'exclame-t-elle avec un large sourire.
  • Non Jane. Lui et moi, dis-je en attrapant la main de Sam. Mon frère et moi. Tu te souviens de mon jumeau ?
  • Hum, marmonne-t-elle déçue.
  • Allez, fais pas la tête, on se voit demain.
  • D'accord, chuchote-t-elle avant de m'embrasser passionnément.

Je sens mon frère s'éloigner de moi et malgré le fait que j'adore Jane et ses sublimes baisers, ça m'attriste de sentir ma moitié d'âme si loin. Les filles finiront par nous séparer. Aucune de nos copines ne tolère notre gémellité, aucune d'elle ne comprend notre lien, notre proximité. Et s'il faut que je choisisse entre les filles et mon frère, alors je le choisis lui sans hésiter. Mais pour être tout à fait honnête j'aimerais ne pas avoir à choisir. Elle reste encore un instant, sans porter la moindre attention à mon jumeau qui s'impatiente, puis après m'avoir à nouveau embrassé elle s'en va. Je glisse mon bras dans le dos de mon frère qui me dit :

  • J'veux rentrer.
  • On y va, Petit Prince, on y va.

Comme il semble contrarié par l'intrusion de ma copine, je tente de le faire rire en jonglant avec les œufs. Il esquisse juste un sourire avant de dire :

  • Si tu les casses, c'est toi qui nettoie.
  • Y faudra bien que je les casses pour te faire un gâteau au chocolat.
  • Avec de la crème anglaise ?
  • Tu m'aide ?
  • Je te regarde.

Je souris puis répond :

  • Ouais, c'est pareil.

Il rit, ça me fait du bien, je caresse sa joue puis il s'assoit sur le plan de travail, me faisant passer les ingrédients. Le silence s'installe quelques minutes, jusqu'à ce que les doigts de mon jumeau glissent sur ma nuque. Je lève les yeux vers lui l'interrogeant du regard. Il explique :

  • J'aime être avec toi, juste avec toi. J'en ai tellement besoin.
  • Et moi donc, souffle-je en venant me blottir contre lui.
  • Tu vas rentrer tard demain soir ?
  • Non. Mais oublie ça pour le moment. Aujourd'hui on est tous les deux et c'est tout ce qui compte.

Je lance le gâteau au four, prépare la crème anglaise pour monsieur le gourmand et le questionne :

  • Tu veux manger tout de suite ou on se fait un peu de musique ?
  • On fait de la musique.
  • Alors va chercher nos guitares. J'nettoie ça et je te rejoins.

Lorsque j'arrive au salon, il s'est installé dans l'un des fauteuils, assit en tailleur, les yeux fermés, sa guitare entre les mains, il répète les accords de ma chanson préféré. Je reste quelques secondes à le regarder, à l'écouter avec cette même émotion qui me submerge toujours. Sa musique me bouleverse, depuis le jour où il a débarqué chez moi et qu'il m'a joué la chanson qu'il a écrite pour moi. Nous jouons un long moment, perdu dans les yeux l'un de l'autre, puis Samuel me dit :

  • J'ai... pas mal écrit depuis le début de l'année et... je voudrais chanter certains textes maintenant. C'est... des trucs que je... heu... que je voudrais te dire, mais...
  • Je sais Sam. Je sais à quel point c'est dur de parler. Et je te l'ai dis : tu peux écrire tout ce que tu veux me faire savoir. Ça ne me dérange pas. Je veux pas te torturer en t'obligeant à me parler, alors écris ce que tu as à dire. T'as pas à te sentir mal, je te jure que je comprends.
  • Merci, souffle-t-il.

Je prends sa main en le voyant se perdre dans une réflexion intérieure, puis lui dit :

  • Te prend pas la tête, petit frère. Tu sais que tu peux tout me dire, tout écrire, tout chanter, je ne te jugerais jamais. Bien au contraire, je veux savoir ce qu'il y a en toi, ce qui se passe dans ta tête et pouvoir t'aider quand ça ne va pas.

Il hoche la tête, me dit qu'il y a surtout deux textes qu'il veut me chanter puis commence les accords de la première chanson, qui parle de notre famille décomposée, recomposée et du fait que nos mères sont incapables de partager leurs fils. Le second morceau parle de nous deux, de notre relation et du fait qu'on ait un mal fou à trouver un équilibre. Ce texte là me fait beaucoup de peine, j'ai même du mal à ne pas laisser couler les larmes qui me nouent la gorge. J'ignorais qu'il y pensait si souvent et que ça le torturait à ce point là. Ça m'empêche de dormir parfois, mais je ne vois pas ce qu'on peut faire, comment on peut gérer ça. Puis il s'arrête, il ne me regarde pas, comme à chaque fois il s'inquiète de ma réaction. Je pose ma guitare sur la table basse avant de récupérer la sienne pour l'éloigner aussi puis prend enfin ses mains pour tenter de le rassurer. Nous discutons longuement, enfin je parle et il écoute. Je lui répète que nous ne retournerons pas à Melercreeck avant le 21 juin, que le plus important c'est qu'on soit tous les deux ensemble. Je confirme que le dimanche restera notre journée, peu importe qui veut nous entraîner ailleurs, on ne fera rien d'autres que d'être ensemble lui et moi. Il dépose un baiser sur ma main, en murmurant :

  • Je t'aime.

Je ferme les yeux en souriant et l'attire dans mes bras en répondant :

  • Je t'aime aussi. Infiniment.

Quelques semaines plus tard, le vendredi 13 mars, je suis avec Linda. Il est 2h00 du matin, j'ai les yeux rivés sur le plafond pendant qu'elle dort profondément, je me demande ce qui cloche chez moi. Je viens de faire l'amour avec une fille absolument géniale, qui est actuellement couchée complètement nue dans mes bras, sa main posée sur mon cœur et moi je pense à quelqu'un d'autre. J'ose même pas dire à qui je pense. Oui, mon frère hante même ces instants là ! Je ne peux rien faire pour changer ça. Quand je la regarde, je ressens des choses qui me plaisent, j'aime être avec elle, passer du temps avec elle, faire l'amour avec elle. Mais voilà, mon frère me manque constamment. Et il n'y a que lorsque je suis avec lui et rien qu'avec lui que je suis vraiment heureux, que je me sens vraiment bien. Je pense que je vais me séparer de Linda, peut-être pas demain matin, ce serait vraiment cruel, mais il faut que je lui dise. Je ne peux pas continuer à faire semblant, à faire croire que ce qui m'est arrivé n'a aucune influence sur ma vie actuelle. Je ne sais pas ce qu'en pense Zac, ce que lui compte faire, malgré tout j'arrête de jouer la comédie. Je le veux lui et personne d'autre. Lorsque nous sortons nous promener en fin de matinée, elle me dit :

  • Tu es bien silencieux, mon amour.
  • Désolé, je pensais à quelque chose. Je crois qu'il faut...
  • Tu veux me quitter, c'est ça ?
  • Écoute, je...
  • Non, c'est inutile. Je m'y attends depuis le jour où Maria nous a présenté. Elle m'a dit que ton frère comptait beaucoup pour toi sans préciser que vous étiez jumeau. Et tu vois, c'est pour ça que je trouve les jumeaux flippant, parce que personne d'autre que vous n'a plus besoin de son frère que de sa copine !
  • C'est un peu particulier pour nous à cause de notre passé.
  • Je m'en fous en fait ! T'es le premier à faire réellement attention à moi, à m'aimer pour ce que je suis et pas pour ce à quoi je ressemble. Seulement, tu l'aimes bien plus et ce que tu ressens pour moi n'est pas assez fort pour que ça te convainque de rester.
  • Donc tu comprends que ça ne sert à rien de continuer. Je ne veux pas te faire de mal. Toutes mes relations ce sont finis comme ça, avoue-je.
  • Et elles finiront toujours de la même façon tant que tu feras passer ton frère avant les filles !
  • Je peux pas faire autrement. Pas pour le moment en tout cas.
  • Alors sors avec lui ! Puisque c'est ça que tu veux, en fait !

J'écarquille les yeux, elle crie :

  • Ouais, j'dis n'importe quoi ! J'suis énervée et c'est de ta faute !
  • Tu veux que je te raccompagne ou que je disparaisse ?
  • Y a vraiment que toi pour poser ce genre de question. J'espère que ton frère sait la chance qu'il a de t'avoir à ses cotés.

Je la ramène chez elle, puis traîne dehors tout seul. Je m'arrête dans un snack prendre un truc à manger et poursuit mon tour d'horizon perdu dans mes pensées. Je fini par me laisser tomber sur un banc près du bassin encore partiellement gelé. C'est assez étrange ce que je ressens, j'ai pas l'impression d'être triste, je me sens perdu, encore plus que d'habitude, je sais que j'ai bien fait et je suis heureux d'avoir à nouveau du temps à consacrer à mon jumeau. Noyé dans cette intense réflexion je ne remarque la présence de Tim que lorsqu'il lance :

  • Bah alors, t'es devenu sourd !
  • Hé Tim. Je t'avais pas vu.
  • J'avais remarqué. Est-ce que ça va ?
  • Oui... non, j'sais pas.
  • Ok, dit-il perplexe.

Le mec à coté de lui me détail de la tête au pied, remarquant mon air surpris Tim me dit :

  • Oh désolé, je te présente Shane, mon meilleur ami. Shane je te présente Samuel l'ami d'enfance de Maria.
  • Ravi de te connaître.
  • De même, répondis-je de nouveau ailleurs.

Tim et lui s'assoient à coté de moi et il redemande :

  • Alors, qu'est-ce qui t'arrive ?
  • Je viens de rompre avec Linda.
  • Oh merde. T'as peut-être pas envie qu'on squatte, alors.
  • Vous pouvez rester ça ne me dérange pas.
  • Maria le sait ?
  • J'sais pas. Ça date d'il y a trois heures. Mais peut-être que Linda l'a prévenue.
  • Elle va être déçue.
  • Je l’entends d'ici me faire la morale : t'es un idiot Samuel Mayers, cette fille était parfaite pour toi ! Blablabla.
  • Quand ça ne colle pas, ça ne colle pas. On ne peut rien y faire, dit Shane en regardant au loin.
  • Il a raison, approuve Tim. J'suis sûr que Maria comprendra.
  • Je n'en doute pas, mais ça ne l'empêchera pas d'être déçue.

Le silence tombe quelques minutes. Je l'aime bien Tim, il est sympa comme mec, en plus il rend Maria très heureuse et, étrangement il semble en connaître plus sur les jumeaux qu'il ne veut le dire. Puis il reprend :

  • Au lieu de passer l'après-midi tout seul à méditer sur ce banc pourri, ça te dis de venir avec nous. On était parti pour aller à la salle de jeux se faire un billard.
  • Heu, ouais pourquoi pas.

Pendant que nous jouons j'observe mes compagnons, leur complicité, leur proximité. Ils me font penser à Maxime et Zacharry. Shane me regarde lui aussi, surtout quand c'est mon tour de jouer. Alors, lorsqu'il pose à nouveau les yeux sur moi je le questionne :

  • Si c'est pas indiscret, t'es de quelle origine ?

Il rit avant de lancer :

  • Devine !
  • Et bah, c'est peut-être un peu cliché, mais avec les cheveux roux et les yeux verts, et l'accent anglais, je parierais sur irlandais ou écossais. Sauf que Shane c'est pas super irlandais comme prénom.
  • Y faut croire que je suis la preuve vivante qu'on peut être né quelque part et porter un prénom d'une autre origine.
  • Ce que je voulais dire...
  • Laisse tomber, rit-il. On vient effectivement d'Irlande, de Galway pour être précis. J'avais 6 ans quand on a débarqué ici. Et tu vois, le truc là, demande-t-il en montrant Tim, c'est le seul de la classe qui a bien voulu me parler.
  • Et depuis, impossible de me débarrasser de lui, ajoute Tim avec un sourire.
  • Méchante créature, jette Shane en le frappant.

Vers 18h30, je leur dit :

  • Les gars, c'était très sympa, mais je dois rentrer maintenant.
  • T'es sûr que tu ne veux pas rester ? On allait finir la soirée au ciné, me dit Shane.
  • C'est gentil, mais on m'attend.
  • Il à une vie bizarre, tu sais, lui explique Tim.

J'esquisse un sourire, les saluts et rentre à la maison. Comme Zac n'est pas encore rentré je vais me plonger dans un bain. Il me fait sursauter en frappant contre la porte de la salle de bain tout en entrant.

  • Salut, murmure-je.
  • Ça a été cette journée avec Linda ?
  • J'ai rompu avec elle.
  • T'es sérieux ?
  • Ouais. Mais vas-y souris, te retiens pas.
  • Hé, j'suis pas aussi méchant, dit-il en s'asseyant sur le bord de la baignoire. C'est arrivé quand ?
  • Ce matin.
  • Pourquoi tu ne m'as pas appelé ?
  • Tu étais avec Jane, je ne voulais pas te déranger.
  • Est-ce que ça va quand même ?
  • Ouais. J'ai passé l'après-midi avec Tim et Shane...
  • Qui c'est celui-là, Shane ?
  • Le meilleur ami de Tim.
  • Ah !
  • Et ça m'a fait du bien. Maintenant, je veux juste être avec toi, souffle-je.
  • Moi aussi, petit frère, chuchote-t-il en glissant sa main sur mon visage.

Je ferme les yeux, il ajoute :

  • J'vais faire à manger pendant que tu finis de mariner.

Je souris, le regarde avant de demander :

  • Tu nous fais un plateau télé ?
  • Tout ce que tu veux, répond-t-il en se penchant pour déposer un baiser sur mon front.

Lorsqu'il sort je me laisse couler au fond de la baignoire et quitte la salle de bain quelques minutes plus tard. Une fois habillé je me dirige discrètement dans la cuisine, arrivant derrière mon jumeau je passe mes bras sur sa taille, me collant dans son dos en posant ma tête sur son épaule. Il passe sa main sur les miennes en demandant :

  • Qu'est-ce que tu fais petit frère ?
  • J'ai besoin d'un câlin.
  • Ça ne va pas si bien que ça, en fait, dit-il en se tournant vers moi.
  • Si ça va. Sauf que... j'ai pensé à toi toute la journée et...
  • Viens là, souffle-t-il en m'enlaçant.

Mon visage au creux de son cou, je ferme les yeux appréciant profondément cet instant. Pendant que nous mangeons devant la télé, il me dit :

  • Je ne devrais peut-être pas dire ça, je sais, mais pourtant je suis content que tu ne sois plus avec Linda. Maintenant on aura plus de temps pour être tous les deux. J'essayerai d'être un peu moins souvent avec Jane pour être avec toi.

Donc il n'a aucune intention de quitter sa copine. Pourquoi est-ce que j'ai l'impression d'être le seul à comprendre qu'il n'y a qu'ensemble que nous pouvons être heureux et pas séparé par les autres. De toute façon j'ai pas envie de poursuivre cette discussion, tout ce que je veux s'est passé le week-end avec lui.
3/ Nous.
La semaine suivante, vendredi 20, nous organisons une soirée crêpe juste pour être tous réunis. Le seul truc qui m'ennuie c'est que tout le monde est venu en couple : Maxime est avec Shanone, Maria est avec Tim, mon frère à ramené Jane, alors heureusement que Shane est là pour me tenir compagnie. Même s'il semble mal à l'aise depuis son arrivée, ou simplement mal, je ne sais pas. Cependant, il discute de musique avec moi comme si de rien était. Je lui dis :

  • J'aimerais bien qu'on joue ensemble un de ces quatre. J'sais pas ce que ça peut donner une cornemuse et une guitare.
  • Et ta voix. Si on joue ensemble, je veux t'entendre chanter.
  • Si tu veux, répondis-je avec un sourire.

Mon frère vient me chercher une seconde plus tard pour me demander de l'aider à finir. Shane nous accompagne aussi pour installer la table. Zac passe son bras sur ma taille en disant :

  • C'est sympa cette soirée. Ça te plaît ?
  • Ouais. J'me croirais à une soirée spécial couple, mais ça va. Shane me tiens compagnie.

Ce dernier nous regarde en souriant, une pointe de tristesse brûlant dans ses yeux. Et sans voir mon jumeau je sais qu'il ne partage pas mon point de vue sur la présence de Shane. Comme toujours sa jalousie le dévore et je tente de contenir la mienne lorsque sa copine se colle à lui et laisse ses mains courir sur son corps. Tout le monde discute joyeusement en dévorant les crêpes, tandis que je reste en retrait, observant cette foule dans laquelle j'ai du mal à m'intégrer. Plus tard dans la soirée, le volume de la musique est augmentés, les couples se font et se défont sur la piste de danse improvisé, alors que je suis avachi dans l'un des fauteuils. Mon regard passe de personne en personne, mais il y en a une qui l'attire constamment ; la seule et unique personne qui compte plus que tout. Shane toujours à mes cotés me dit à l'oreille :

  • Il sait l'amour inconditionnel que tu lui porte ?
  • Oui il le sait. Et c'est réciproque si tu veux tout savoir. Seulement c'est tellement fort que ç'en est effrayant et du coup il fuit avec toutes ces filles qui lui court après.
  • Je comprends que ça fasse peur. Malgré tout il ne devrait pas faire ça.
  • C'est à lui qu'il faut le dire.
  • C'est à cause de ça que Tim dit que vous avez une vie bizarre ?
  • Entre autre oui.
  • Être jumeau n'a rien de bizarre.
  • Non, évidement. C'est surtout parce que...

Je le regarde droit dans les yeux, il dit :

  • Tu te demande si tu peux me faire confiance, n'est-ce pas ?
  • Ce n'est pas contre toi, tu sais, dis-je en baissant les yeux. Je... j'ai beaucoup de mal à accorder ma confiance.
  • J'ignore ce qui t'es arrivé pour que tu doute autant de l'être humain, mais crois-moi, je ne t'obligerais jamais à te confier.

Je hoche la tête, puis l'interroge :

  • Je peux te demander quelque chose ? Tu semble réellement comprendre ce qu'il y a entre Zac et moi, ce que nous partageons, comment ça se fait ?

Je le vois se raidir, puis lorsque ses yeux se reposent sur moi ils brillent beaucoup trop et très bas il tente d'expliquer :

  • En fait j'ai... heu... j'avais...

Après une seconde, il ajoute en se levant :

  • Il faut que je m'en aille. Excuse-moi.
  • Non attend Shane. Si j'ai dis quelque chose qui fallait pas...
  • Non, me coupe-t-il, c'est pas de ta faute je te promets.

J'en suis vraiment pas convaincu et le suis jusqu'à l'entrée où nous retrouve Tim qui questionne :

  • Où tu vas Shane ?
  • Je dois partir.
  • Pourquoi ? Est-ce que c'est à cause... d'eux ? questionne-t-il tout bas en nous montrant Zac et moi d'un signe de tête.
  • Je peux pas, j'suis désolé. Je pensais que ça irais, mais ça fait trop mal.
  • Je comprends. Tu veux que je te ramène ?
  • Non, je préfère être seul.
  • T'es sûr ?
  • Ouais. J'ai vraiment besoin de rester seul.
  • Je t'appelle demain.
  • Si tu veux.

Il quitte la maison la seconde d'après et je dis à Tim :

  • Je suis désolé. J'ai juste posé une question et...
  • Non Sam, c'est pas de ta faute. Tu... tu as dis un jour que tu aimerais pouvoir perdre la mémoire pour oublier ton passé, bah c'est pareil pour lui.

Je hoche la tête lentement et il rejoint Maria. Je regarde ensuite mon frère qui me questionne :

  • Pourquoi t'es aussi bouleversé ? Tu le connais même pas ce gars.
  • Peut-être parce qu'il comprend tout ce que tu pige pas ! jette-je en m'éloignant.

Il m'attrape par le bras en s'exclamant :

  • Attends, tu me fais quoi là !
  • Zac, tu viens danser, lance Jane en nous interrompant.
  • Un moment. J'suis occupé là.
  • À chaque fois que t'es occupé c'est toujours avec lui !
  • Me fais pas une scène Jane. J'en ai pour deux minutes.
  • Tu vas pas t'en tirer aussi vite, répondis-je à mon frère.
  • Je sais pas ce que t'as à me reprocher, mais on verra ça plus tard.
  • Pour changer, marmonne-je en partant vers notre chambre.

Je m'y enferme pour le reste de la soirée, je ne veux plus voir personne, je suis tellement énervé que je pourrais crier sur n'importe qui sans aucune raison. J'arrive pas à croire qu'il l'a choisi elle plutôt que moi ! J'ai envie de l'étrangler là tout de suite. Et Shane n'a pas quitté mes pensées. Le voir si mal me torture énormément sans que je sache pourquoi. Tout comme j'ignore pour qu'elle raison je me sens si proche de lui. Mais ma colère finie par reprendre le dessus. Je donne un coup de pied dans un meuble en criant. « J'arrive pas à croire qu'il l'a choisi à ma place. Je le déteste. J'ai tellement besoin de lui. » Je me jette sur son lit et mes larmes débordent sans que je le veuille, je me sens trop mal.

Nos invités s'en vont tous en même temps à un peu plus de 2h00 du matin. Maria me supplie de la laisser aller voir Samuel, ce que je refuse fermement, sachant qu'il ne veut voir personne, même pas moi. Alors elle me dit de prendre soin de lui, ce à quoi je réponds que c'est toujours ce que je fais, mais Tim demande :

  • T'es vraiment sûr de toi sur ce coup là ?
  • Ça va, j'suis pas d'humeur.

Comme je suis encore un peu énervé, je me calme en rangeant la cuisine et le salon. Je ne peux pas aller voir mon frère dans cet état sinon on va encore se disputer. Après avoir remit en place les derniers meubles, j'éteins le salon, me dirige vers la chambre, respire profondément avant d'y entrer. Samuel est couché sur mon lit, comme il me tourne le dos je ne sais pas s'il s'est endormit ou pas. Je le contourne lentement, j'ai peur qu'il soit réveillé et toujours en colère. C'est donc avec un certain soulagement que je remarque qu'il dort profondément. Cependant, le soulagement s'efface lorsque je m'aperçois qu'il a pleuré et pas qu'un peu. Mon cœur se serre douloureusement, je passe ma main dans ses cheveux en murmurant :

  • Petit Prince, qu'est-ce que j'ai fais pour te mettre dans un état pareil ?

Il se recroqueville en gémissant, ayant peur qu'il fasse un cauchemar, je me couche près de lui, passe mon bras autour sa taille en chuchotant :

  • Calme-toi, j'suis là, tout va bien. Détends-toi petit frère.

Cela semble l'apaiser, je reste là de longues minutes, puis m'éloigne pour me déshabiller. Je tente d'en faire de même avec mon frère, mais fini par le réveiller. Je me stoppe immédiatement, la tête dans le brouillard il demande :

  • Qu'est-ce que tu fais ?
  • Tu vas pas dormir tout habillé.
  • Pourquoi pas ! jette-t-il en refermant les yeux.
  • Écoutes, on discutera demain matin si tu veux. Mais, là il est presque 3h00 du mat, je suis crevé, tu dors encore à moitié, on devrait se coucher.
  • Pas avec toi, je t'en veux toujours.
  • Bah, t'es dans mon lit là, alors..

Il grogne et quitte mon lit avant de s'écrouler sur le sien. Il retire son jeans et son sweat avant de jeter le tout sur le sol et de se glisser sous sa couette. Je le regarde, infiniment triste, et même si j'suis quasiment certain qu'il va refuser je le supplie :

  • Petit Prince je t'en prie, laisse-moi dormir avec toi. Je sais que ça ne va pas et...
  • Laisse-moi tranquille. T'as qu'à dormir avec Jane si tu veux pas rester tout seul, balance-t-il en éteignant la lumière.

Je reste quelques secondes assit sur mon lit puis me glisse sous mes draps. Cependant, en l'entendant pleurer je le rejoins sans attendre. En me sentant derrière lui, il jette :

  • Va-t-en !
  • Pas question. Dis-moi ce que j'ai fais.
  • Tu m'aimes pas.
  • Quoi ? Comment tu peux dire ça ? Je donnerais ma vie pour toi.
  • Non ! Pour Jane ! Et moi après seulement.
  • C'est pas vrai !
  • Ah non ? Il suffit qu'elle débarque en élevant la voix et en te demandant de choisir entre elle et moi pour que tu te jette à ses pieds ! Jamais je ne te demanderais une chose pareille, mais si tu devais vraiment choisir entre elle et moi, tu prendrais qui ?
  • Toi, c'est évident.
  • Pourtant ce n'est pas le choix que tu as fais tout à l'heure.
  • Je sais, soupire-je. Sauf que je savais que si je partais avec toi elle s'en irait et me quitterais. Et je ne veux pas rompre avec elle. Alors que si je te laissais partir, même si tu m'en voulais, je savais que je pourrais toujours venir te parler plus tard et tenter de comprendre ce qui cloche.
  • Sauf que c'est pas parce que je t'aime que je vais tout te pardonner en 30 secondes.
  • Ce n'est pas ce que je demande. J'veux juste que tu me laisse passer la nuit avec toi. Je sais que tu vas pas bien, et que si je te laisse tout seul tu vas sûrement faire des cauchemars. J'veux pas que ça arrive.
  • Tu peux rester, mais c'est pas réglé d'accord. Je t'en veux toujours.

Samedi matin nous nous levons en même temps et tout en prenant le petit déjeuner devant la télé je questionne mon frère :

  • Qu'est-ce que tu veux faire aujourd'hui ?
  • Tu ne dois pas voir Jane ?
  • Non.
  • Parce qu'elle n'a pas encore téléphoné ?
  • Non, parce que je lui ai dit qu'on ne se verrait pas du week-end.
  • Pour pouvoir être avec moi ?
  • Oui, pour pouvoir être avec toi. Pourquoi ça a l'être de t'étonner ?
  • Parce que je comprends pas toujours ce que tu fais. J'ai qu'une envie depuis le jour où on s'est retrouvé c'est passer chaque secondes avec toi. J'ai rompu avec ma copine parce que je supportais plus d'être séparé de toi quand j'étais avec elle. Je déteste être loin de toi, pour n'importe quelle raison. Mais on dirait que toi ça t'es égale. Que passer un jour et demi ensemble par semaine c'est suffisant. Je sais pourtant ce que tu ressens par rapport à tout ça, et tes sentiments sont en contradiction avec tes actes et ton comportement.
  • C'est donc ça que tu me reproches. Le fait que je sois toujours avec Jane et que je l'a fasse souvent passer avant toi.

Il ferme les yeux en se recroquevillant sur le canapé. Je tente de m'expliquer sans savoir si ça le convaincra :

  • Tu sais que j'ai tout aussi envie que toi de passer la moindre seconde à tes cotés. Seulement, j'ai peur que si plus rien ne nous relie au monde réel on dérape et qu'on aille trop loin, beaucoup trop loin. Quand je suis avec toi le monde n'existe plus, y a plus de règles, plus de limites, plus d'interdit et ça me fais peur. Tout ce que je veux c'est éviter de te faire du mal. Sauf que, de toute évidence, je t'en fais quand même. Alors, en vérité je crois qu'il n'y a pas de juste milieu.
  • Tu peux pas dire ça. On ne l'a même pas cherché le juste milieu.

Mon regard se perd dans le vide. « Qu'est-ce que je suis censé répondre à ça ? J'ai jamais pensé qu'on pourrait trouver un équilibre entre notre relation intense et le monde réel. » Il soupire et me dit :

  • Excuse-moi. J'arrive pas à calmer ce besoin de toi que j'ai. Tu me manque constamment, dès que t'es trop loin, que je ne peux plus te voir. Je... pardon de toujours de prendre la tête avec mes délires.
  • Non, c'est pas des délires Sam, je comprends très bien ce que tu dis. Mais j'ai pas de solution. On n'arrive pas à être ensemble comme on le voudrait tout en ayant une vie normale.
  • C'est peut-être ça le problème, on ne devrait pas essayer d'avoir une vie normale. On devrait juste essayer de faire ce qui nous plaît, à savoir... être ensemble... je crois.
  • Je voudrais...
  • Non, ça va, le dis pas. Je préfère ne pas te l'entendre dire. Je tâcherais de faire avec.
  • Je t'en prie, Petit Prince.
  • Non, je t'en veux pas. J'veux plus en parler, c'est tout.
  • J'ai au moins le droit de te faire un câlin ?
  • T'as plutôt intérêt de m'en faire un.

25 mars, je rentre à la maison après mon cours de musique, il est 17h30 et il n'y a personne. Je fini par trouver un bout de papier aimanter sur le frigo : « j'suis sorti, j'reviens vers 18h30. Bisous. » Je suis extrêmement déçu de ne pas le trouver à la maison. J'voulais passer le reste de l'après-midi avec lui, rien qu'avec lui. C'est affreusement frustrant de désirer une chose pendant des heures pour finalement se retrouver seul. J'avais l'intention de l'emmener manger dehors ce soir et là... c'est vrai, il sera là dans une heure, je pourrais lui dire tout ce que j'avais en tête pour la soirée. Je décide d'aller m'écrouler devant la télé en attendant le retour de mon frère qui me manque infiniment. Lorsqu'il rentre enfin, un petit peu plus tard que ce qu'il avait dit, je ne peux empêcher la question :

  • T'étais où ?

De m'échapper. Il retire sa veste en répondant :

  • Avec Shane.
  • Comment ça se fait que tu étais avec lui ?
  • Il avait envie de discuter et Tim n'était pas dispo parce qu'il était déjà avec Maria.
  • Et ton numéro il l'a trouvé où ?
  • C'est moi qui lui ait donné à la soirée crêpe la semaine dernière. Mais, c'est quoi cet interrogatoire ? demande-t-il en riant.
  • J'veux seulement savoir ce que tu fais quand je suis pas là. Et j'aime pas ce mec.
  • Tu le connais pas.
  • Ça ne change rien. J'préférerais que tu évite de le voir.
  • Bah voyons ! Et moi j'voudrais que tu évite de passer tout ton temps avec Jane. Comme tu le fais pas j'vois pas pourquoi j'arrêterais de voir Shane.

Son sourire à disparu à présent, il m'en veut et s'éloigne vers notre chambre, alors je me lève en disant :

  • Attends, s'il te plaît. Excuse-moi, j'avais vraiment très envie de te retrouver en rentrant de cours et ça m'a énervé que tu sois pas là.
  • Donc tu t'es fais des films sur ce que j'étais en train de faire.

Je hoche la tête, il me connaît vraiment par cœur.

  • Si je t'aimais pas autant je t'étranglerais sur le champ.
  • Je préférerais pas, j'voulais qu'on sorte ce soir, rien que tous les deux. Mais peut-être que tu m'en veux trop et que tu préfère rester ici.
  • J'vais me calmer sous une douche. Après on pourra sortir.

Je souris, j'ai envie de le serrer dans mes bras sauf que je suis pas sûr qu'il accepte là tout de suite alors je me retiens et le laisse partir. Juste avant de garer la voiture près du restaurant je lui dis :

  • Tu es bien silencieux. À quoi tu pense ?
  • T'as pas envie de le savoir.
  • Si, ça m'intéresse.
  • Crois-moi, c'est mieux que tu le sache pas.
  • Parce que ça concerne Shane ? lui demande-je en tentant de ne pas m'énerver.

Inutile qu'il réponde je sais que j'ai raison, cependant il ajoute :

  • J'veux pas qu'on se dispute encore, on fait que ça en ce moment. J'aimerais qu'on passe une bonne soirée. Tu crois que tu peux contenir tes instincts meurtriers quelques heures ?
  • Pour toi je ferais n'importe quoi.

Nous sortons de la voiture, j'attrape sa main en demandant tout bas :

  • Je peux avoir...

Il s'arrête et me serre contre lui. J’enfouis mon visage dans son cou tandis qu'il chuchote :

  • Ça y est, on arrête de se prendre la tête. Tu vois Jane quand tu veux, tu me laisse voir Shane quand il a envie de passer du temps avec moi et on n'annule jamais, pour aucune raison, les moments qu'on doit passer ensemble.
  • Hum hum, murmure-je au bord des larmes.

Il glisse ses doigts dans mes cheveux en disant doucement :

  • Te mets pas dans un état pareil, tout va bien.
  • J'aime pas quand on se dispute. Sauf que tu déteste quand je suis jaloux, ça te mets en colère, mais je peux pas la contrôler.
  • Il faut que t'essaye. J'aime... l'ange qui dort en toi, cet ange que tu réveille quand on est ensemble. Laisse-le détruire cette affreuse jalousie.

Un instant de silence se fait après ces mots qui me troublent, puis je dépose un baiser contre son cou. Il frissonne et ajoute :

  • On va manger.
  • Oui.

Je ne me détache pas de lui, il sourit, je l'embrasse sur le front et nous y allons. Nous passons une soirée pleine de tendresse, zappant le monde qui nous entoure. Ça fait tellement de bien de se retrouver, d'être ensemble juste lui et moi. Il est déjà tard lorsque nous sortons du restaurant donc nous rentrons directement à la maison. En descendant de la voiture Samuel prend ma main et ne la lâche que lorsque nous arrivons dans la chambre. Nous nous déshabillons, toujours unis dans ce parfait silence, puis quand il se glisse dans son lit je le questionne :

  • Est-ce que je peux te jouer le morceau que j'ai composé cette après-midi ?

Il tape sur la couette à coté de lui pour que je vienne m'y installer. Je récupère donc ma guitare et m'assois près de lui. Il pose sa tête sur mon épaule puis je commence les accords. Comme la partition est très courte je la reprends, mon frère demande :

  • Est-ce que tu vas le continuer ?
  • Oui, il faut qu'on le termine pour mercredi prochain. Tu sais, pendant les trois heures on a toujours une demi heure, trois quart d'heure de création. Aujourd'hui, j'arrêtais pas de penser à toi, alors je me suis isolé au fond de la classe et j'ai composé ça.
  • J'aurais des paroles à mettre dessus si tu veux. J'ai quelques idées déjà.
  • Tu veux que je te passe ton bloc note ?
  • Non, j'suis trop crevé. Si je commence à écrire maintenant, j'vais le faire toute la nuit. Je préfère attendre demain. Comme on a cours qu'à 14h00 j'aurais le temps.
  • Comme tu veux.
  • Tu peux éteindre maintenant, dit-il en s'allongeant.

Je ferme la lampe avant d'aller ranger ma guitare. Pensant que je ne vais pas revenir il appelle :

  • T'en vas pas Zac. Reste, s'il te plaît.

Sans rien dire je viens me blottir contre lui, le serrant contre moi en même temps qu'il chuchote :

  • Bonne nuit.

Je vois Shane de plus en plus souvent, tous les mercredis après-midi et tous les samedis. Jours que mon très cher frère passe avec Jane. Personne ne sait que nous nous voyons aussi régulièrement, peut-être que Zac sans doute, mais lorsque je rentre après lui il ne pose plus de question. Et donc aujourd'hui, samedi 4 avril, je suis de nouveau avec Shane, encore en train de lui parler de mon frère et moi. Il questionne :

  • Vos parents sont au courant de la relation que vous avez ton frère et toi ?
  • Pas exactement. Ils nous disent tout le temps qu'on fait des choses bizarres, qu'on se comporte de façon étrange. Mais en fait...
  • Ils ne comprennent pas.
  • Non. Tu vois le truc c'est que... dans quelques jours ça fera tout juste un an que j'ai débarqué chez mon frère.
  • Comment ça, chez ton frère ?

Je lui raconte notre histoire dans le détail. Il s'exclame ensuite :

  • Les gens sont complètement tarés ! Et ça me rend dingue qu'aujourd'hui encore on nous considère comme des monstres !
  • Nous ? questionne-je intrigué.

Comme trop souvent une profonde tristesse assombri son regard, il dit :

  • Je... j'veux pas en parler...
  • Ça ne fait rien. Jamais je ne t'obligerais à le faire, tu sais.

Il hoche la tête doucement, je voudrais faire ou dire quelque chose, seulement j'ai l'impression que c'est inutile. Donc je reprends :

  • Tu vois du coup à cause de cette histoire tout est totalement démesuré entre nous. Rien n’est « normal » entre jumeau, mais entre nous c'est pire encore. Chaque sentiment est poussé à l'extrême, donc un rien prend des proportions effrayantes. On a tellement manqué l'un de l'autre que...
  • Que vous désirez la seule chose que vous n'arrivez pas à obtenir. Une profonde intimité à l'écart du monde. Je comprends.
  • Mieux que personne même. Je... commence à comprendre pourquoi je me sens aussi proche de toi alors que je te connais très peu.
  • Et que tu ne sais pas tout. Mais, tu me fais confiance et je te promets que tu n'auras pas à le regretter.

Le samedi suivant, Sam et moi sommes à la maison tous les deux. Pour la première fois depuis longtemps j'ai été présent tous les soirs, mercredi après mon cours de musique et aujourd'hui. Ça me fait beaucoup de bien d'être avec mon frère et à lui aussi, je le vois bien. Nous parlons des projets de l'été, surtout pour poser une date de retour afin de ne pas trop éterniser notre séjour à Melercreeck. Puis nous prenons nos guitares pour, une nouvelle fois, jouer dans une parfaite synchronisation. Il ferme les yeux, savourant cet instant. J'aime le voir comme ça. Nous faisons une pause un moment plus tard et mon portable vibre sur la table basse. Quand je lui dis que c'est Jane je le vois se crisper et sans doute espérer que je l'envoie balader. C'est pourquoi quand je dis à ma copine :

  • Ok, on se retrouve à 14h00, alors.

Il soupire bruyamment et quitte la pièce avec son instrument. Je le rejoins dans la chambre un minute plus tard, m'assois à coté de lui sur le lit, le sentant profondément chagriné, je lui explique tout bas :

  • Petit Prince, je dois aller voir Jane cette après-midi.
  • Je savais que ça ne durerais pas.
  • Hé, on a passé presque toute la semaine ensemble.
  • C'est pas parce que ça te convient que je dois m'en contenter.
  • J'aimerais que t'arrête de m'en vouloir.
  • Tu connais la solution, murmure-t-il.
  • Je t'en prie, fais pas la tête. On va être séparé que quelques heures. Je pars vers 13h30 et je reviens pour 20h00. Si tu veux je prendrais le dîner.
  • Fais comme tu veux.
  • Petit Prince, souffle-je en prenant ses mains. Je ressens ta peine, ça... ça fait mal.
  • Pourtant tu l'as choisi elle... plutôt que moi, répond-t-il bouleversé.

Je le prends dans mes bras, lui caressant le dos sans rien dire. De toute façon quoi que je dise rien ne le satisfera. La fin de la matinée et le déjeuné se font dans le même silence. Je me sens mal, je préfère tellement le voir sourire, l'entendre rire et pourtant je reste incapable de lui donner ce qu'il veut encore plus que moi. Il est temps que je parte, Sam est assit sur l'accoudoir du canapé et me regarde, espérant au fond de lui que je change d'avis. Seulement je lui dis :

  • Je ne serais pas en retard, c'est promis.

Et tourne les talons rapidement en voyant l'immense déception qui brûle dans ses yeux.

La porte claque me faisant sursauter, je ferme les yeux douloureusement, je supporte pas de le voir partir. Je respire profondément pour calmer la peine qui me serre la gorge, puis attrape mon téléphone :

  • Salut !
  • Salut Shane. Tu fais quelque chose cette après-midi ?
  • Non. Tu veux qu'on se voie ?
  • Ça te dit de venir avec ta cornemuse ?
  • Oh ouais carrément. Tu es seul là ?
  • Pour changer.
  • J'arrive. Je vais te tenir compagnie moi.

Je souris, pose mon portable sur la table et retourne chercher ma guitare, ramenant aussi l'ampli, j'en aurais sûrement besoin pour rivaliser avec l'instrument de Shane. Il arrive un instant plus tard, je lui fais visiter rapidement vu qu'on l'avait pas fait la dernière fois, quand j'ouvre la chambre, il s'exclame :

  • J'aurais dû m'en douter !

J'esquisse un sourire avant de lui expliquer :

  • Nos parents n’ont pas franchement adhéré à l'idée, mais aujourd'hui quand ils viennent ils ne disent plus rien.
  • Ça ne changerait rien de toute façon.

Je reste appuyé contre le mur à le regarder, il semble à nouveau à mille lieux de moi, alors doucement je lui dis :

  • On va... se mettre au salon.

Nous nous installons sur le canapé, l'un en face de l'autre, j'attrape mon instrument, commence à gratter quelques accords quand Shane me dit :

  • N'oublie pas que je veux t'entendre chanter.
  • J'ai pas oublié, répondis-je avec un large sourire.

Il se joint à moi, faisant résonner sa cornemuse dans tout l'appart, c'est vraiment magnifique. Je poursuis mon morceau et me mets à chanter, Shane ferme les yeux, un large sourire étirant son visage. Je me sens bien, beaucoup mieux. Ma déception a disparu tout comme la colère que je ressentais. J’enchaîne avec un autre texte, un que j'ai dédié à mon frère pour lui faire comprendre une fois de plus combien je l'aime. Cependant, je m'arrête en voyant des larmes rouler sur les joues de Shane. Je pose ma guitare avant d'attraper son instrument qu'il tient serré contre lui. Je le pose également sur la table avant de murmurer à mon ami :

  • Laisse-toi aller.
  • Il me... manque tellement.
  • Ton frère, n'est-ce pas ?
  • Mon jumeau..., mon reflet..., la plus belle... partie de moi.

Je prends sa main doucement, je sais que trop bien ce qu'il peut ressentir. Je l'interroge toujours avec beaucoup de délicatesse :

  • Comment est-ce qu'il s'appelle ?
  • Léo.

Prononcer son prénom ne fait qu'accentuer sa souffrance et couler ses larmes encore plus rapidement.

  • Ça a fait... 3 ans... le... 17 février... qu'il... qu'il est parti.
  • Qu'est-ce qui s'est passé ?
  • Il était...

Il respire profondément pour se calmer, ce qui ne fonctionne qu'à moitié, puis il poursuit :

  • Il était malade. Une saloperie incurable. On est resté aussi longtemps que possible chez nous, dans notre chambre, dans notre monde. Et quand on a plus put reculer, je suis resté avec lui à l’hôpital. J'ai arrêté les cours, je ne rentrais même plus chez moi. Et il... il s'est... endormit... dans mes bras... pour toujours...
  • J'suis sincèrement désolé.
  • Je m'y fais... pas... J'aurais voulu... mourir avec lui... J'ai même... essayé... Mais il... m'avait fait promettre... de ne pas... tenter de le... rejoindre... J'ai pas pus... le trahir...
  • Et j'suis certain qu'il est heureux que tu ne l'ai pas rejoint.
  • Mais... je pourrais plus... jamais être heureux... sans lui...
  • Je ne peux pas te dire que tu te trompe, parce que je ne connais pas l'avenir. Mais peut-être qu'un jour la douleur s’atténuera un peu et que tu arriveras mieux à vivre avec son absence.

Il passe sa main sur mon visage en disant :

  • Tu me le rappelle... tellement... Mon petit frère.

Je ferme les yeux, je craignais qu'il dise ça.

  • Il est... était tout aussi sensible que toi, il avait cette même... tendresse dans le regard et était tout autant passionné de musique. On passait des heures à... jouer ensemble. Il... il aurait aimé vivre de sa musique, avoir un groupe et parcourir le monde pour... donner du bonheur aux gens.
  • Et comment... comment ça se passe avec tes parents ? Tu as d'autres frères et sœurs ?
  • Non, il n'y avait que nous. Seulement nous deux. Et nos parents m'ignorent quasiment depuis trois ans. Le problème c'est que quand il me regarde... c'est Léo qu'ils voient et ils le supportent pas. Ce que je comprends, j'ai beaucoup de mal à me regarder dans un miroir, il me manque tellement que parfois je ne sais plus qui je suis. Tant que je vivrais avec eux ils seront incapables de faire leur deuil et ils m'en voudront toujours.
  • Pourquoi est-ce qu'ils t'en veulent ? Tu n'es pas responsable.
  • Je suis son reflet, mais pas lui, je suis là et pas lui. À chaque fois que je quitte notre chambre je la ferme à clé, les empêchant d'y aller. Parce que j'ai peur qu'ils décident de débarrasser ses affaires. Je veux pas. J'ai besoin que tout reste tel que c'était. Il m'arrive de... dormir dans son lit comme s'il était encore avec moi... Je... lui souhaite une bonne nuit... chaque soir... Garder ses affaires c'est... le faire exister encore... un peu... Le jour où je... prendrais mon appart je... je les emmènerais.
  • C'est pas une bonne idée tu sais, dis-je tout bas. Ça ne fait que te torturer davantage et ça t'empêche de le laisser partir.
  • Mais j'veux pas... le laisser partir... j'veux pas vivre... sans lui... J'veux pas m'amuser... ni sortir... sans lui... J'ai même plus goût... à l'amour depuis qu'il... qu'il est parti.
  • Ça fait trois ans que t'es tout seul.
  • Plus que ça même.
  • Je peux te poser une dernière question ?

Il hoche la tête en essuyant son visage, je demande :

  • L'autre fois, tu m'as dis qu'en arrivant ici tu as rencontré Tim. Donc, il a aussi connu ton frère ?

Ses larmes reprennent leurs courses folles quand il répond :

  • Oui, on était... comme les trois mousquetaires... Pour les profs on était... le trio infernal... Tim a... toujours été là... même quand on a découvert... la maladie de Léo... Le jour où... où il est parti... Tim venait nous rendre visite... comme tous les jours... Il ne m'en a pas voulu quand... quand je lui ai crié dessus... parce qu'il a aidé... les médecins à emmené... Léo.
  • Et il est là pour toi, il le sera toujours.
  • Lui, il a partagé... ma souffrance... je sais que... Léo lui manque... Mais il ne me rejette pas... Il est content... que je sois toujours là et... que je lui rappelle... son ami...

Je m'approche de lui et le fais basculer dans mes bras pour le consoler. J'ose pas imaginer dans quel état j'aurais été si je n'avais jamais retrouvé Zac. Sans doute proche de celui-là. Lorsqu'il finit par s'apaiser un long moment plus tard, j'vais faire du thé et ramène en même temps du chocolat. Il rit en voyant la tablette, je souris avant de dire :

  • Ça ne peut pas nous faire de mal.

Comme il semble plus calme nous parlons d'un tas d'autre chose, sauf de son jumeau et de tout ce qui s'y rapporte. Lorsqu'il s'en va à 19h00 il à l'air mieux, la crise semble être passée. Il me dit :

  • J'espère que je ne t'ai pas effrayé avec mon histoire. J'ai vu que ça t'as troublé quand je t'ai dis que tu me rappelle mon jumeau. Et... j'veux pas te perdre Sam. Je tiens beaucoup à toi et ça me ferais beaucoup de peine si tu ne voulais plus me voir.
  • Non, ne t'inquiète pas, j'vais pas te fuir. J'aime énormément le temps qu'on passe ensemble, j'en ai besoin. Je te promets qu'on se reverra très vite.
  • D'accord, répond-t-il avec un large sourire.

C'est presque étrange de le voir comme ça après l'avoir vu affreusement mal. Cependant, je suis content qu'il aille mieux à présent. Par contre moi c'est autre chose. Je me sens bizarre, ça m'a complètement bouleversé de voir Shane si mal, de connaître enfin toute son histoire. Ça m'a replongé dans mon passé, la recherche de mon frère, son absence. Je me sens vraiment pas bien, j'ai besoin d'écrire. J'espère que Zac va bientôt rentrer, j'ai besoin de lui aussi.

Il est tout juste 19h30 quand je rentre à la maison, je lance :

  • J'ai pris de l'italien pour le repas, ça te... Whao ! C'est quoi tout ça ?
  • Désolé, j'étais pas tout seul cette après-midi et j'ai pas rangé.
  • Ok. Tu peux quand même débarrasser avant qu'on mange.
  • Hé, sois pas méchant, gémit-il.
  • Ça va toi ? lui demande-je en le suivant à la cuisine.
  • Non.

Il vient se blottir dans mes bras, je glisse ma main dans ses cheveux en questionnant :

  • Qu'est-ce qui t'arrive ?
  • C'est... la conversation que j'ai eu avec Shane qui m'a perturbé.
  • Je t'avais dis de ne pas fréquenter ce mec.
  • Recommence pas, se plaint-il. J'ai besoin de toi.
  • D'accord. Si on mangeait pendant que c'est chaud ?

Assit autour de la table je sors le dîner pendant qu'il m'interroge :

  • Ça a été avec Jane ?
  • Oui et non.
  • Pourquoi ?
  • Bah heu... j'ai bien vu que t'avais pas envie que je parte tout à l'heure, seulement j'arrive pas à me couper en deux entre elle et toi. Du coup, j'arrêtais pas de penser à toi et Jane s'est un peu énervée.
  • Ah. Mais, ça va quand même ?
  • Au risque de te décevoir, oui, elle s'est calmée.
  • Pourquoi tu crois que je suis aussi cruel ?
  • Non, c'est pas ça. Je sais que tu attends avec impatience le jour où je la quitterais, alors...
  • C'est vrai. Sauf que je ne veux pas non plus que tu sois malheureux. Même si j'ai horreur de te voir partir, je t'empêche pas d'être avec elle.

Les mots s'effacent, nous allons prendre le dessert sur le canapé, mon Petit Prince lové dans mes bras. Je me rends compte que j'ai pensé à lui toute l'après-midi et que j'ai rêvé de cet instant. Ma main glisse dans ses boucles brunes lorsqu'il baille, je lui dis tout bas :

  • T'es fatigué, Petit Prince.
  • Hum. Je peux dormir avec toi ce soir ?
  • Évidement, on est samedi, tout est permis.
  • J'aime quand tu parles comme ça, murmure-t-il avant de bailler une nouvelle fois.

Nous sommes le samedi 2 mai, ce soir exceptionnellement Samuel et moi avons annulé notre soirée ensemble pour la passer avec nos amis. Nous sommes, Jane, Maria, Tim, Shane, Samuel et moi dans un restaurant, où nous finissons de dîner avant d'aller au ciné. Depuis le début de la soirée Shane a les yeux rivés sur mon frère et ça m'exaspère. J'essaye de ne pas trop être collé à Jane pour être un peu avec Sam. Sauf que dès qu'on est seuls, l'autre débarque et me l'enlève. Je commence sérieusement à croire qu'il veut nous séparer. « Je déteste ce gars ! » Et comme pour m'énerver encore plus il pose carrément sa main sur celle de mon frère en lui disant :

  • J'aimerais bien qu'on se refasse un bœuf comme l'autre fois.
  • Ouais, c'était vraiment sympa. Ça se fera que le mercredi par contre, parce que j'vais être pas mal occupé les week-ends avec les répètes qui arrivent.
  • Pas de problème, on fait ça quand tu veux.

Samuel lui sourit sans retirer sa main de la table, j'ai envie de hurler. « Ah quoi ils jouent tous les deux ? » J'les trouve beaucoup trop proche. Ça me plaît pas du tout. Depuis le début je dis à mon frère de ne pas fréquenter ce type. Y a quelque chose qui me plaît pas du tout chez lui. J'pourrais jamais lui faire confiance, j'comprends même pas que Tim soit ami avec lui. Mon frère s'absente un instant, Shane le suit des yeux jusqu'à ce qu'il ait disparu, j'suis sur le point de dire quelque chose, mais Maria me regarde, secoue la tête négativement et se lève à son tour. Je fini ma bière cul sec, tentant de me calmer en pensant à autre chose.

Maria me fait sursauter en entrant dans les toilettes alors que je suis en train de me laver les mains, je l'interroge :

  • Tu fais quoi ? Tu t'es gourée de porte !

Elle vérifie qu'on est seuls et me dit :

  • Il faut qu'on parle.
  • Ah oui ! Et l'endroit te semble approprié ?
  • Désolé, j'ai pas le temps de trouver un salon confortable, c'est urgent.
  • Whao ! Il se passe quoi ?
  • Qu'est-ce que tu fais avec Shane ?
  • Quoi ? C'est Zac qui t'envoie ?
  • Non ! Mais, ça m'inquiète.
  • Bah voyons ! Pourquoi ça perturbe tout le monde que je passe du temps avec lui ? Ça me fait du bien, est-ce que c'est un crime ? On est ami, comme je pourrais l'être avec n'importe qui d'autre.
  • Non, pas toi, Sam.
  • Merci de me rappeler que je suis insociable. C'est quoi le problème en fait ?
  • Tu ne trouve pas que vous êtes très proche pour de simple ami ?
  • Qu'est-ce que tu veux dire ? Maria, t'as un truc précis en tête alors crache le morceau. Inutile de prendre des gants avec moi, j'ai encaissé pire que ça.
  • Shane est gay.
  • Et alors ? ris-je. C'est ça la tragédie du millénaire ? Qu'est-ce que ça peut bien faire qui il aime ?
  • Il se pourrait qu'il veuille être bien plus que ton ami, si tu me suis.
  • Encore mieux qu'avec un GPS ! m'énerve-je. Mais d'une, je suis quasiment sûr qu'il y a aucun risque qu'il attende plus de moi que ce qu'on partage et de deux, il y a autre chose qui me perturbe bien plus chez lui que le fait qu'il puisse me draguer.
  • Qu'est-ce que c'est ?
  • C'est pas le moment, ils vont finir par se demander où on est passé.
  • Samuel Mayers, tu ne sortiras pas d'ici tant que je ne saurais pas ce qui ne va pas.

Je soupire longuement, j'ai aucune chance de m'en sortir. Alors je commence :

  • D'abord jure-moi que tu ne diras rien si tu n'es pas au courant.
  • Je te le promets, tu peux avoir confiance en moi, tu le sais.
  • En fait..., Shane est comme Zac et moi, il est jumeau lui aussi. Sauf qu'il a perdu son frère il y a trois ans... Son petit frère.
  • Sam, c'est affreux !

Je hoche la tête, un homme entre dans les toilettes et lance :

  • Dites les jeunes, allez faire vos cochonneries ailleurs !

Nous sortons, mais restons devant la porte pour finir notre discussion :

  • Depuis le début je me sens proche de Shane, je me sens bien avec lui. Sauf que maintenant que je connais son histoire, je me demande si, je passe autant de temps avec lui pour essayer de remplacer Zac, enfin de le substituer à son absence. Et il m'a avoué que je lui rappelais son frère.
  • Sam, tu crois que c'est une bonne idée de rester avec lui ? Vous ne serez jamais la personne qui manque à l'autre. Vous faites peut-être que vous torturer en passant tout votre temps ensemble.
  • Que ce soit une bonne idée ou non, je crois qu'on s'en fout complètement, on a juste besoin d'être ensemble.
  • Chou, j'trouve ça malsain. Je m'inquiète pour toi. Je sais que ta relation avec Zac ne te conviens pas, qu'il est souvent absent, mais chercher à combler le vide avec Shane...
  • Écoute, oublie ça pour l'instant, y faut qu'on retourne avec les autres.

Samuel et Maria reviennent enfin, je lance :

  • Vous étiez enfermés, ou quoi ?
  • Y avait la queue, c'est tout, répond Maria.

Je regarde mon frère, m'apprêtant à le questionner, mais Shane me devance :

  • Tout va bien ?
  • Ouais, très bien.

Ma colère se réveille aussi rapidement que tombe la foudre. « Je hais ce mec ! » Lorsque nous quittons le restaurant, j'attrape mon frère par le bras, nous éloignant un peu des autres. Puis je lui demande discrètement :

  • Qu'est-ce qui s'est passé avec Maria ?
  • On a parlé de... lui, murmure-t-il.
  • Ah oui. Et je peux savoir ce qu'elle t’a dis ?
  • Seulement si tu promets de ne pas en faire un drame.
  • Je te le promets, dis-je en levant une main.
  • C'est l'autre main.

Je souris, lâche son bras pour lui promettre puis le rapproche de moi à nouveau. Il fini par avouer :

  • Apparemment, il... préfère les mecs.
  • Quoi ? Il est homo !
  • Tais-toi ! Qu'est-ce que ça peut faire ?
  • J'veux plus que tu t'approche de lui.
  • Mais, Zac, arrête ! On s'en fout qu'il soit gay.
  • Non, je m'en fous pas. Ce serait n'importe qui d'autre, ok. Lui, il est trop proche de toi.
  • Ce que tu peux m'énerver parfois, dit-il en me lâchant. Et si c'est tout ce que valent tes promesses on a du souci à se faire fini-t-il en s'éloignant pour rattraper les autres.

Je soupire, si j'interviens pas ce mec va finir par nous séparer et je ne le laisserais pas faire, il en est hors de question. Je laisse couler pour le moment afin de ne pas pourrir notre soirée. Après le film, Maria propose d'aller danser, Jane me saute au cou en s'exclamant :

  • Oh oui, allons danser, mon amour !
  • Sans moi, marmonne Sam. Je rentre, j'suis crevé.
  • Tu veux que je te raccompagne ? le questionne Shane. J'ai pas très envie d'y aller non plus.
  • C'est pas la peine, je rentre aussi.

Mon frère me fusille du regard et Jane s'énerve :

  • Sérieusement t'abuse ! Pourquoi tu le choisi toujours à ma place ?
  • Parce que c'est mon jumeau ! Et vous commencez à me prendre la tête à me demander de choisir constamment. Je veux pas choisir, c'est clair !
  • Donc si je rencontre quelqu'un tu n'y vois pas d'inconvénients ?
  • Fais ce qui te semble juste, Jane. J'ai confiance en toi. Et si tu décide de me quitter je l'accepterais.

Elle me regarde les yeux écarquillés puis précise qu'elle va quand même accompagner Tim et Maria, puisque Shane semble réellement vouloir rentrer. Nous prenons le chemin de la maison tous les trois, vu que Monsieur Shane habite pas très loin de chez nous. Le trajet se fait intégralement dans le silence le plus complet. Si l'autre n'avait pas squatté j'aurais essayé de parler avec mon frère, même si je le sens toujours en colère. Il s'arrête un peu avant la maison et regarde Shane qui sourit. J'ai envie de le frapper pour faire disparaître cet air satisfait.

  • On se revoit bientôt, lui dit Sam.
  • J'espère bien, murmure Shane.

Je reste devant la porte, veillant à ce qu'il ne se passe rien de déplacé. Shane lève les yeux vers moi une seconde avant de poser sa main sur le bras de Sam en soufflant :

  • Bonne nuit.
  • À toi aussi.

Et j'ai encore envie de lui crier : « dégage ! Touche pas à mon frère ! » Cependant, je me contente de les regarder rester encore quelques secondes l'un en face de l’autre avant que Shane s'en aille. Samuel attend qu'il ait disparu dans la rue suivante avant de me rejoindre. Nous nous dirigeons dans notre chambre sans rien dire puis nous glissons dans nos lits sans éteindre la lumière. Les yeux rivés sur le plafond j'espère que Sam va faire le premier pas pour engager la conversation. C'est ce qu'il fait un moment plus tard :

  • Pourquoi est-ce que tu déteste Shane à ce point ?
  • Je le sens pas ce gars. J'arrive pas à cerner ses intentions et ça m'inquiète. J'veux pas qu'il te fasse de mal. Personne n'a le droit de te faire souffrir.
  • Personne à part toi.
  • Quoi ?
  • Laisse tomber, d'accord.

Je m'assois dans mon lit pour pouvoir le regarder et répond :

  • Non, pas question. Je sais que tu me reproche un truc et je veux savoir ce que c'est.

Il se tourne dos à moi, gardant à nouveau le silence, alors je viens m'installer près de lui, passe mes doigts dans ses boucles en murmurant :

  • Petit Prince, je t'en prie, parle-moi.
  • Ça ne sert à rien. Les choses ne changent jamais.
  • Dis-le-moi quand même, s'il te plaît.
  • Ça me tue de savoir qu'on désir les mêmes choses, mais que tu refuses de l'entendre. Tu ne sais pas voir ce qui se passe juste sous tes yeux.
  • Qu'est-ce que tu veux que je fasse ?
  • Non Zac, c'est pas comme ça que ça marche. C'est pas à moi de te dire ce que tu dois faire. Toi, qu'est-ce que tu veux ? Qu'est-ce que tu désir ? demande-t-il en me regardant.

Je baisse les yeux en soupirant, il se remet sur le coté, je m'allonge derrière lui en disant :

  • Tes blessures sont bien plus profondes que les miennes.
  • Ça ne change rien.
  • Si, tout. En ne grandissant pas avec nos parents biologiques j'ai eu beaucoup plus de chance que toi. Mes parents sont des gens supers et ils m’aiment comme leur propre fils, alors que ton père t’a torturé pendant 18 ans. C'est vrai que sur le fond ça ne change rien, j'ai manqué de toi de la même façon et aussi longtemps. Sauf que j'ai réellement prit conscience de la situation à 15 ans quand mes parents m'ont avoué qu’ils m’avaient adopté. Alors, même si j'ai tout autant besoin de passer du temps avec toi, que j'ai infiniment peur de te perdre à nouveau. J'ai aussi besoin de garder un lien avec la réalité, parce que c'est ce que je connais de mieux, ça me rassure, parce que... notre lien m'effraie, avoué-je tout bas.

Il se tourne vers moi, posant son bras sur mon ventre en appuyant sa tête sur mon épaule. Je me glisse sous la couette en même temps qu'il chuchote :

  • Je t'aime, tu sais. Me laisse pas tout seul, c'est tout ce que je demande.
  • Je suis là. T'as plus à avoir peur, Petit Prince. Endors-toi maintenant.

J'éteins la lampe, dépose un baiser dans ses cheveux et souffle :

  • Je t'aime aussi, n'en doute jamais.

Chapitre 4/ Des sentiments étranges.


Nous sommes le 16 mai, je me rends chez Maria où m'attend le reste du groupe. Je dois leurs apporter mes textes pour le concert du 21 juin. J'en ai 10 à leur proposer, il faut qu'ils en choisissent 4 seulement. Il y en a un en particulier que j'aimerais qu'ils prennent, mais ça risque de ne pas être simple. Il est assez spécial alors c'est vraiment pas gagné. Après avoir parlé du bon vieux temps, un peu de nos études et de la fête de la musique nous nous mettons au travail. Je sors les chansons en précisant que j'ai un peu innové par rapport à ce que je faisais avant, puis donne les feuilles à Maria et m'éloigne d'eux. Je jette un rapide coup d’œil dans leur direction, les textes circulent, je regarde de nouveau par la fenêtre trop envahi par le stress. J'sais plus où se trouve le texte dans le tas. Puis Maria me dit :

  • Sam, il est magnifique celui-là « À toi mon ange. » Il est très touchant, encore plus que « Je ne suis pas moi. »
  • Il est... destiné à la même personne.
  • J'avais compris.
  • Fais voir ça, lui dit Jérémy.

Je grimace, l'angoisse me retourne l'estomac. Il fini par dire :

  • C'est pas sérieux. On peut pas jouer ça.
  • Pourquoi ? le questionne Maria.
  • Ça ressemble un peu trop à une déclaration d'amour, écrite par un mec et pour un mec.
  • Et ça te dérange ? C'est moi qui chante, c'est comme si je m'adressais à Tim.
  • Mais c'est pas le cas, et ça va pas le faire. Sam, je t'adore, mais jouerais pas ça.

Je m'approche, récupère la feuille en la chiffonnant dans ma main avant de leur dire :

  • Ok, celui-là on le zappe. Maintenant décidez-vous, histoire qu’on n’y passe pas la nuit.

Puis je retourne devant la fenêtre, ferme les yeux une seconde, atrocement malheureux. Maria vient vers moi un instant plus tard, prend ma main toujours crispée sur la feuille, retire le papier en murmurant :

  • Leur en veux pas, Chou, ils ne peuvent pas comprendre.
  • Le seul à vraiment comprendre, c'est Shane.
  • Le type dont t'as peur.
  • J'ai pas peur de lui, ne dis pas n'importe quoi. Ce dont j'ai peur c'est de réellement savoir ce qui nous attire l'un vers l'autre.
  • Ça te consolera peut-être pas, mais j'adore ton texte, il est vraiment magnifique. Seulement... reconnaît qu'il est un peu spécial.
  • Mais ma relation avec mon jumeau est spécial, Maria. En vérité, il n'y a pas une personne avec qui j'ai une relation normale. J'ai une sœur qui n'est pas vraiment la mienne, ma sœur de sang je peux plus la regarder en face après le cataclysme familiale que j'ai provoqué. Zac... et bah, j'préfère rien dire, tu sais ce qu'il en est pour Shane et, même avec toi ça toujours été ambiguë.
  • D'accord, respire, essaye de te détendre. J'crois qu'ils ont fini.

Nous les rejoignons, nous asseyant avec eux et doucement je demande :

  • Alors, lesquels ont garde ?
  • Ces 4 là, répond Jérémy.
  • Et, vous êtes tous d'accord ?
  • Ouaip ! répond-t-ils
  • Ok. On fait comme d'hab, j'vous joue le morceau de guitare et j'vous file les partitions après. Si vous voulez changer quelque chose dites-le.

Je me lance dans la musique tentant d'oublier le malaise qui règne en moi. Je chante un peu avec Maria pour la guider et la laisse poursuivre. Les deux autres écoutent tout en parcourant leurs partitions. On fini par conclure que tout le monde bosse de son coté jusqu'au week-end prochain et qu'on en reparle à ce moment là. Nous quittons Maria vers 18h00. Jérémy s'attarde un peu en bas de l'immeuble, puis me dit :

  • Sam, excuse-moi pour ce que j'ai dis sur le texte tout à l'heure, heu...
  • Ça n'a aucune importance.
  • Je crois pourtant le contraire, vu comment t'as réagis.
  • Oublie ça d'accord. Je commence à avoir l'habitude. J'préfère qu'on en parle plus.
  • Très bien. On se voit la semaine prochaine alors.
  • Hum, marmonne-je avec un hochement de tête.

Je mets mon casque sur les oreilles, branche la musique et rentre chez moi. Je suis plus que content de voir que mon frère est déjà là. Pendant que je vais ranger ma guitare, il demande :

  • Ça a été ces répètes ?
  • Ouais, répondis-je vaguement pour ne pas avoir à m'expliquer.

Tout ce que je veux maintenant c'est être avec lui et oublier ma déception pour le texte. Je viens m'asseoir à coté de lui, pose ma tête sur son épaule en disant :

  • Tu es rentré tôt ce soir.
  • Hum.
  • Tout s'est bien passé ?
  • Hum.
  • Si j'étais un enfant j'ferais un caprice pour dire « occupe-toi de moi. »
  • Sauf que t'es plus un enfant. Et qu'il faut que je finisse ce bouquin. Sans vouloir te donner d'ordre tu ferais bien d'en faire autant vu qu'on va être interrogé dessus au partiel.
  • Je l'ai fini la semaine dernière. J'ai même fais une fiche de lecture, si tu veux.
  • Ah. Écoutes, y me reste pas beaucoup de page, je le fini et après je suis tout à toi.
  • D'accord. Je peux rester là ?
  • Bien sûr.

Il finit le roman trois quart d'heure plus tard, le jette sur la table basse en soupirant et me serre dans ses bras. Je ferme les yeux en savourant cet instant, tout autant que lui apparemment. Il dépose un baiser dans mes cheveux avant de demander :

  • On sort ce soir ?
  • Non. Ou pour un ciné seulement.

Il sourit, puis me dit :

  • C'est du 100% toi et moi.
  • M'oui, j'en ai besoin.
  • Je sais, souffle-t-il. Moi aussi, tellement besoin.

Nous passons tout le week-end collé l'un à l'autre, partageant cette profonde tendresse que nous aimons tant. Je ne sais pas ce qui arrive à mon frère, mais il est bien plus attentionné que d'ordinaire, c'est comme s'il avait enfin compris ce que je tente de lui expliquer depuis des mois.

Mercredi 27 mai, cette après-midi je n'ai pas cours de musique, je le passe donc avec Jane pendant que Samuel est une fois de plus avec ce Shane que je déteste toujours autant. Nous nous promenons dans le parc quand soudain je reconnais mon frère non loin de nous.

  • Sam !

Il se retourne immédiatement, me fais un signe de la main et s'arrête pour nous attendre. Son ami ne semble pas très ravi de nous voir, moi au contraire je serais ravi de pouvoir m'incruster. Je le salut rapidement avant de lui présenter Jane, puis nous discutons un peu. Jane se sentant peut-être un peu mal à l'aise me dit :

  • J'vais me prendre un thé, juste là.
  • Ok. Sam, tu l'accompagne ?

Il est d'abord surpris et méfiant avant d'accepter d'un hochement de tête. Tandis que Samuel et Jane s'éloigne je questionne sans délicatesse celui qui reste avec moi :

  • Je peux savoir ce que tu lui veux à mon frère ?
  • Rien de plus que toi.
  • Qu'est-ce que je dois comprendre ?
  • Tu veux savoir pourquoi on passe autant de temps ensemble ? Parce que je fais plus attention à lui que toi.
  • Tu ne connais rien de mon frère, alors ferme-la avant que je m'énerve.
  • C'est trop facile d'agresser tous les gens qui l’approchent seulement parce que t'as peur qu’ils l’éloignent de toi. Occupe-toi de lui et personne ne l'éloignera plus.
  • Ferme-la d'accord. Tu ne sais pas de quoi tu parles. Tu ignores ce qu'il y a entre mon frère et moi.
  • Ce que je sais c'est qu'il déteste rester seul, il déteste t'attendre parce que t'es toujours en retard quand t'es avec ta copine, qu'on passe du temps ensemble parce qu'il ne peut pas le passer avec toi.
  • Tu dis n'importe quoi. On a un accord à ce sujet là. Tu vois, tu veux me faire croire que tu connais Sam mieux que moi, mais personne ne le connais mieux.

Je commence à partir, pour justement, rejoindre mon frère et ma copine quand il lance :

  • Bien sûr ! Et tu sais aussi qu'il n'a plus envie de monter sur scène le 21 juin.
  • De quoi tu parles encore ?
  • S'il n'a plus envie de faire ce concert c'est parce que les membres de son groupe ne veulent pas jouer le seul texte qui lui tenait vraiment à cœur.
  • Quel texte ?
  • Une chanson qui parle de toi et de l'amour inconditionnel qu'il te porte. Sauf qu'il ressemble tellement à une déclaration d'amour faite par un amant qu'ils ont refusé de le prendre.
  • Ok, t'as gagné, tu sais quelque chose que j'ignore. T'es content ?
  • Non ! C'est pas un jeu, bordel ! Ton frère t'aime plus que sa propre vie. Laisse tomber ta copine et passe du temps avec lui. Vous en avez besoin tous les deux. Tu crois que ce qui vous est arrivé va s'effacer tout seul ?
  • T'es au courant de ça aussi ?

Il ne répond pas, ça m'énerve. Je lui dis :

  • Sache que je ne t'aime pas...
  • Moi non plus. Comme ça on est quitte, me coupe-t-il.
  • Mais, puisse que Sam tient à toi pour je ne sais quelle raison, alors t'as intérêt de prendre soin de lui.
  • Pourquoi tu refuse de le faire ? Je ne serais jamais toi, je ne pourrais jamais lui apporter ce qu'il attend de toi. Pourquoi tu fais ça ?
  • Tu peux pas comprendre ?
  • Oh si, bien plus que tu le crois.
  • Bah voyons ! Et pourquoi ça ? Tu es jumeau ?

Il me fixe sans rien ajouter, je jette :

  • C'est bien ce qui me semblais !

Et je le laisse planter là pour aller retrouver mon frère. Shane se joint à nous la seconde d'après, mais pour attirer Samuel à l'écart.

Shane semble bouleversé, il me dit, les yeux rivés sur le sol :

  • Excuse-moi, il faut que j'y aille.
  • J'ai fais quelque chose de mal ?
  • Non Sam, non, souffle-t-il en me regardant. Pas toi.

Je hoche la tête complètement perdu et le suis des yeux le cœur serré tandis qu'il s'éloigne.

  • Zac !
  • Oui. Où il va ton pote ?
  • Dégage ! balancé-je à l'attention de Jane.
  • Sam ! Sois sympa !
  • Non ! Casse-toi !
  • Laisse-nous cinq minutes, chérie.
  • Très bien.
  • Qu'est-ce que tu lui as dis ?
  • À qui ?
  • Au Pape ! À Shane, imbécile !
  • Hé, calme-toi.
  • Non ! Qu'est-ce que tu lui as dis ?
  • Mais rien. On a juste parler de toi.
  • Non, pas seulement. Y a qu'un seul truc qui le fait fuir de cette façon. Vous avez parlé de gémellité ?
  • Bah oui, parce qu'on a discuté de toi et moi.
  • Non, je parle de la sienne !
  • Parce qu'il est vraiment jumeau ?
  • Oui ! Sauf qu'il a perdu son frère il y a trois ans et qu'il n'arrive pas à s'en remettre. Il est incapable de répondre quand on lui pose des questions à ce sujet.
  • Oh, alors ouais, c'est bien de ma faute.
  • C'est pas vrai, soupiré-je. J'en ai marre que tu passe ton temps à faire fuir les rares personnes qui me sont proches pour ensuite me laisser tout seul pour sortir avec tes pintades !

Je m'en vais, il appelle :

  • Sam attend. J'pouvais pas savoir...
  • Fous-moi la paix !
  • Qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Tu me laisse en plan pour le rejoindre ? m'interroge Jane.
  • Non, on reste ensemble. Il m'en veut à mort et si j'insiste ça va être pire. On fait ce qui était prévu, je te ramène à 19h00 et ensuite...

L'après-midi s'achève, je viens de déposer Jane, je suis sur le chemin de la maison pas convaincu de ce qui m'y attend. En entrant je l'appelle, mais bien entendu il ne me répond pas. Voyant de la lumière dans la salle de bain, je m'y dirige, frappe contre la porte entre-ouverte, il crie :

  • Va-t-en !
  • Sam, excuse-moi. J'pouvais pas savoir pour Shane. C'est pas écrit sur sa tête qu'il a perdu son frère jumeau.
  • Ça change rien ! C'est ça pour Shane aujourd'hui, c'est autre chose avec Maria, et ça m'énerve ! À chaque fois qu'elle est un peu trop proche de moi tu t'interpose, elle ça l'a fait rire, mais pas moi ! Je l'a connais depuis la maternelle, tout comme toi et Maxime. Et même si vous regardez partir dans vos délires et vos souvenirs d'enfance me déchire le cœur je n'interviens jamais, jamais je ne cherche à vous éloigner.
  • Mais, je me rends pas compte, je te le promets.
  • Arrêtes, te fous pas de moi en prime ! jette-t-il en sortant de la pièce.

Je le suis jusque dans notre chambre tentant de le convaincre :

  • Je suis vraiment désolé Sam. Laisse-moi m'excuser auprès de Shane. J'voulais pas lui faire de mal, il m'a énervé et comme il a pas répondu je pensais qu'il mentait.
  • Fais ce que tu veux ça m'est complètement égale. Ce qui est sûr c'est que je ne veux plus te parler pour le moment !

Puis il s'installe sur son lit, la musique à fond dans les oreilles, ne m'accordant plus la moindre attention. Je le laisse, vais m’effondrer dans l'un des fauteuils du salon et appelle Max.

  • Salut frangin ! lance-t-il en décrochant.
  • Salut Max. Tu vas bien ?
  • Ouais. Et toi ? T'es enfin célibataire c'est pour ça que t'appelle ? T'as un peu de temps libres.
  • Non, j'suis toujours avec Jane. Par contre je... je me suis disputé avec Samuel.
  • Oh, et il est partit ?
  • Non, non, il est là, mais il veut plus me parler.
  • Qu'est-ce que t'as fais cette fois ?
  • Pourquoi cette fois ? On s'en fou ! Il dit que je passe mon temps à faire fuir les gens qui sont proches de lui.
  • C'est vrai, Zac, tu le fais constamment. À commencer par Maria. Et, chacune des filles qu'il a rencontrés, et t'as pas arrêté de me dire que tu voulais l'éloigner du type... heu...
  • Shane ?
  • Ouais, ce type là.
  • Génial, marmonne-je. J'ai tout faux.
  • Je te l'ai déjà dis Zac. Il a besoin de toi et tu as besoin de lui. Comment tu te sentirais si la personne que tu aimes le plus au monde faisait tout pour que tu sois seul et qu'elle aussi te laisse seul pour aller s'amuser.
  • J'apprécierais pas et je la détesterais.
  • Et bah, lui c'est pareil. Sauf qu'il ne te déteste pas, ça lui fait juste très mal quand tu l'abandonne.
  • Mais, je l'abandonne pas.
  • En un sens si. Ouvre les yeux Zac, il a remué ciel et terre pendant des années, il aurait donné sa vie juste pour la certitude de ton existence. Vous êtes enfin ensemble et tu le laisse constamment seul pour faire autre chose. Et quand il lui arrive de passer des moments agréable avec quelqu'un, qu'il oubli un peu ce qu'il ressent tu t'arrange pour faire fuir cette personne.
  • Dis-moi que c'est juste une hypothèse. Ce n'est pas réellement comme ça qu'il voit les choses.
  • Si Zac, on en a parlé pendant des heures et les choses c'est comme ça qu'elles sont. T'es mon meilleur ami Zac, t'es le frère que j'ai pas, tout comme Sam. Et le voir pleurer à cause de toi ça me rend dingue. Parce que le Zac qu'il d'écrit n'est pas celui que je connais. Ton frère souffre et s'il ne veut plus te parler je le comprends.
  • J'avais plutôt imaginé que tu me remonterais le moral, pas que tu me ferais la morale.
  • Zac, c'est pour ton bien qu'on a cette conversation. Oublie jamais que les événements auraient pus tourner différemment, vous auriez pus ne jamais vous retrouver. Vous avez la chance d'être ensemble, ne fous pas tout en l'air.
  • J'veux pas le perdre, tu sais. J'ai infiniment peur qu'il disparaisse à nouveau de ma vie et encore plus si c'est à cause d'un étranger.
  • Et si c'est à cause de toi ?
  • Non, Max, je l'aime plus que tout au monde. J'veux pas qu'il s'en aille. Je ferais n'importe quoi pour le retenir. J'veux plus qu'il souffre par ma faute.
  • C'est pas moi qu'il faut convaincre.
  • Qu'est-ce que je dois faire ?
  • Laisse-lui du temps pour se calmer, même si ça prends plusieurs jours. Pendant ce temps réfléchi à ce que tu veux vraiment, prend une décision et fais toi pardonner. Je sais que tu trouveras les mots pour le toucher, tu sais bien le faire ça.

Je souris et lui dis :

  • Un compliment, c'est trop, fallait pas.

Il rit puis ajoute :

  • Tout n'est pas fichu. Si tu reconnais tes erreurs et que tu fais les bons choix tout ira bien. Sinon, on se fait un truc vendredi soir ?
  • Ouais, ce serait cool. J'espère que Sam sera calmé.
  • Laisse-lui du temps, Zac.
  • Sauf que de nous deux c'est lui le plus patient, mais bon... Je vais te laisser, j'vais faire à manger.
  • Son plat préféré ?
  • Faut bien que je lui prouve que je suis pas un monstre.
  • C'est un bon début. Allez, à plus mon pote.

Je jette mon portable sur la table basse et me dirige vers la cuisine. Les jours passent, jeudi, vendredi, samedi, Samuel ne me parle toujours pas, je dois faire des monologues à chaque repas pour savoir ce qu'il veut. Aujourd'hui, samedi 30 mai, il est encore tôt dans l'après-midi quand il part à la répète de son groupe, je lui dis :

  • Bonne après-midi.

Mais la porte claque sans qu'il m'accorde plus d'attention que ces derniers jours. Je trouve ça vraiment atroce. Hier soir je suis sorti avec Maxime et il n'a jamais voulu nous accompagner. En rentrant, je l'ai trouvé endormit sur mon lit portant l'un de mes tee-shirt. Je supporte plus cette situation, il faut absolument qu'on discute ce soir quand il rentrera. J'ai dis à Jane que j'avais des choses très importantes à faire pour pouvoir rester avec lui, mais j'avais oublié cette histoire de répète, je pensais que c'était annulé vu que Shane m'a dit qu'il ne voulait plus monter sur scène. Toute l'après-midi je tourne en rond dans la maison, cherchant une solution, cherchant les mots juste pour m'excuser, pour lui demander pardon. J'en viens même à me demander s'il ne faudrait pas que je me sépare de Jane pour qu'il comprenne que je suis vraiment sérieux. Je joue nerveusement avec l'anneau à mon doigts, le retirant un instant pour, à nouveau, lire l'inscription : « À toi pour toujours. » J'ai toujours trouvé ça étrange qu'il ait fait graver ces mots précis et qu'il s'énerve à chaque fois que je lui dis qu'il est à moi. Peut-être que je ne le dit pas comme il faudrait, pas comme il aimerait. En un sens il est à moi, on est lié lui et moi, mais j'suis en train de le perdre parce que je suis incapable de le partager et tout autant de le garder près de moi. Tout est si compliqué. En retrouvant mon jumeau j'étais persuadé que ma vie allait enfin s'arranger, sauf que tout est encore plus compliqué. Je l'aime à en crever et j'ignore comment lui faire comprendre. Je sais pas. Ce que je veux c'est pouvoir à nouveau entendre le son de sa voix, pouvoir à nouveau le serrer dans mes bras. Pour m'occuper et éviter de me torturer l'esprit je fais la cuisine, nous préparant un plat qu'on adore ainsi qu'un gâteau. Il va croire qu'on fête quelque chose ou bien que je tente de l'acheter. Ce que j'espère pas. Voyant qu'il est déjà 18h00 je file sous la douche, puis attend patiemment son retour, continuant de jouer avec mon anneau. Il passe enfin la porte aux alentours de 19h00, je le regarde sans rien dire, et ferme les yeux en retenant un soupir quand il se dirige vers la chambre. Une profonde envie de pleurer me serre la gorge. Cependant, il vient s'asseoir à coté de moi l'instant d'après. Il prend ma main pour y déposer son bracelet, celui que je lui ai offert à Noël dernier, où j'ai fais graver « tu es toute ma vie » puis me demande :

  • C'était des paroles en l'air, pas vrai ?

Cette fois les larmes m'échappent, je le regarde pour le questionner :

  • Tu le pense... vraiment ?... Tu crois que... j'étais pas... sincère ?
  • J'en sais rien. Je pensais, peut-être à tord, qu'après... ce qui nous est arrivé on voudrait passer tout notre temps ensemble, comme au début quand j'ai débarqué chez toi. Je pensais qu'on voudrait seulement rattraper le temps perdu. Mais, je comprends pas ce que tu veux. J'étais persuadé, là encore peut-être à tord, qu'on désirait les mêmes choses toi et moi. Je déteste qu'on se dispute, j'ai horreur de ça. Dis-moi ce que je dois faire. Comment tu veux que je me comporte, ce qu'il ne faut pas que je demande. Dis-moi. J'ferais tout ce que tu voudras, tout ce qui te fera plaisir.

De lourdes larmes inondent toujours mon visage, j'arrive pas à croire ce que j'entends, il pense que c'est lui qui doit changer. Il prend mon autre main, voyant que je ne dis rien, mais mes pleurs m'en empêche, il ajoute :

  • Tu sais, tout ce que je veux c'est qu'on soit ensemble. J'ai peut-être pas le droit de te demander ça, mais j'voudrais juste qu'on soit tous les deux et seulement nous deux, qu'on laisse le monde dehors. J'en mourrai si on continuait de s'éloigner comme ça.

Mes larmes redoublent d'intensité, j'avais prévu de lui dire un tas de trucs et j'en suis incapable. Il me fait basculer dans ses bras, me caressant le dos il dit :

  • Calme-toi petit ange, ça va aller. Je te prendrais plus la tête, je te le promets. T'as plus à t'en faire d'accord. Détends-toi, chut.

Il se met à chanter, je ferme les yeux pour me calmer, ça me fait du bien, être bercé au son de sa voix. Ses doigts glissent dans mes boucles, j'efface les gouttes d'eau sur mon visage, dépose un baiser dans son cou ce qui le fait arrêter de chanter, alors je lui dis :

  • Mon Petit Prince. Je t'aime infiniment, n'en doute jamais je t'en prie. Tu as raison, je désir bien les mêmes choses que toi. Max m'a raconté ce que vous vous êtes dit et que j'étais un pauvre idiot.
  • Non, pas un idiot.
  • Tu m'as traité d'imbécile y a trois jours.
  • J'étais en colère, et je le regrette.
  • T'as raison de toute façon, j'ai tout faux depuis le départ. Seulement j'ai... peur de ce qui pourrait arriver si on s'enfermait entièrement dans cette bulle de profonde intimité.
  • Tu crois qu'on pourrait en arriver à faire des choses extrêmes, et ne plus contrôler les événements.
  • Quelque chose dans ce genre là, ouais.
  • Qu'est-ce qu'on fait alors ? Comment on trouve un compromis ?

Je me redresse pour pouvoir plonger dans ses yeux et le questionner :

  • Est-ce que si on promet de rester ensemble tous les soirs après les cours, de garder le samedi soir et le dimanche pour être ensemble, de voir nos amis que le mercredi, le vendredi soir et le samedi, ça te convient. Au moins jusqu'aux vacances, enfin jusqu'à ce qu'on rentre chez les parents. À partir de là on ne sera plus que tous les deux et rien que tous les deux.

Il passe ses doigts sur mon visage avec un sourire, puis murmure :

  • Je te promets de m'en contenter. Merci de faire tout ça pour moi.
  • Pour nous, Petit Prince, pour nous.

En lui rattachant son bracelet au poignet j'ajoute :

  • Toi et moi on est ensemble. Une seule et même équipe.

Il sourit encore, je l'embrasse sur le front avant de l'interroge :

  • Tu veux manger ? J'ai fait la cuisine toute l'après-midi.
  • Génial !

Je réchauffe le repas, en s'asseyant à table il dit :

  • Whao, t'as fais tout ça ! On fête un truc ?
  • Notre réconciliation.
  • Ou peut-être que t'essayais de m'amadouer en faisant l'un de nos plats préférés.
  • Qu'est-ce que tu préfère comme réponse ?
  • Les deux me conviennent.

20 juin, nous sommes en train de finir de charger nos affaires dans la voiture. Je tente tant bien que mal de me concentrer sur le concert de demain, sauf que je suis toujours aussi déçu de ne pas pouvoir interpréter le texte que j'ai écris pour Zac. Justement il me dit :

  • C'est bon, je crois que tout y est.

Je le regarde avec le même désespoir que la dernière fois qu'on est rentré, il esquisse un sourire compatissant, vient prendre mes mains en disant :

  • Dis-toi qu'on ne rentre que pour un mois, qu'ensuite on va bosser au label, donc on rentra beaucoup moins souvent. Maintenant, on ne sera vraiment plus que tous les deux, juste toi et moi Petit Prince. En plus je... j'ai rompu avec Jane, alors...
  • C'est vrai ? Depuis quand ?
  • Hier.
  • Je suis désolé.
  • Je sais que c'est pas vrai, mais merci quand même.
  • Hé ! D'accord, t'as raison. Mais quand même, t'aurais dus me le dire. Est-ce que ça va ?
  • Ouais, ça va très bien. J'ai réalisé que quelqu'un compte beaucoup plus que n'importe quelle fille et que si je fais pas le bon choix j'vais tout gâcher. Et puis... j'sais pas si c'est vrai, mais quand je lui ai dit que je voulais rompre elle a criée qu'elle s'en foutait, qu'elle avait quelqu'un d'autre et ce depuis un moment.
  • Oh merde.
  • Ça fait rien. Tout ce qui compte réellement, c'est toi, nous, et rien d'autre.

Je souris et le serre fortement dans mes bras. Il rit, puis me dit :

  • J'sais que t'es heureux, mais je peux plus respirer.
  • Pardon, dis-je en le lâchant.

Il rit encore avant d'ajouter :

  • Allez, il faut y aller.

Cette fois nous allons chez moi, Zac pense que c'est mieux pour qu'ils ne posent pas trop de questions et nous irons chez les parents de Zacharry de temps en temps. Voilà, nous sommes le 21 juin, mon frère et moi écoutons les groupes qui défilent, puis pendant l'interruption je lui dis :

  • Tu sais, je voulais... il y avait un texte en particulier que je voulais jouer ce soir, seulement... les autres n'ont pas voulu.
  • Je sais Sam, je sais, Shane m'a expliqué. Tu te rappelle le jour où je l'ai fais fuir.
  • Ah. J'aurais aimé te le dédicacer ce soir.
  • Tu le feras à la maison. Il faut que tu y ailles maintenant. Allez file, je ne bouge pas.

Les autres sont déjà réunis quand j'arrive, je les saluts, récupère ma guitare, et comme toujours je m'isole un peu pour évacuer le stress, mais Maria m'interromps. Elle pose sa main sur mon bras, je la regarde, elle me dit :

  • J'aurais aimée chanter « À toi mon ange » Sam. Ton texte est vraiment très beau et il mérite d'être entendu.
  • Mais pas ce soir. Personne n'aurait comprit de toute façon, ils auraient détesté.
  • Tu le crois pas une seconde, Sam. C'est pas ce que tu voulais.
  • Mais ce que je veux on s'en fout, Maria. On est un groupe et deux de ces membres ont rejeté ce texte, c'est comme ça que ça marche. En plus c'est la dernière fois qu'on monte sur scène tous les quatre puisque Jérémy part finir ses études en Angleterre. Je ne pouvais pas imposer cette chanson, pas ce soir. Le souvenir qu'ils en auraient gardé c'est que pour leur dernier concert le parolier les a forcés à jouer un texte super tordu.
  • Il est pas tordu...
  • C'est comme ça qu'ils le voient, eux !
  • Allez, les jeunes, c'est le moment, lance l'organisateur.
  • C'est maintenant qui est important, Maria. Le reste on s'en fout, ce n'est qu'un détail.

Une fois en place je cherche mon frère dans la foule, fixe mon regard sur lui et zappe le reste. Je l'aime infiniment, j'aurais voulu le crier au monde entier, sauf que, de leurs point de vue, j'ai juste le droit de me taire. Lorsque le concert s'achève, Zac nous rejoint immédiatement, dit aux trois autres qu'il a adorés puis me serre dans ses bras en murmurant :

  • C'était magnifique petit frère. J'aime vraiment t'écouter jouer et les textes étaient vraiment bien choisis. Super boulot.
  • Merci. Maintenant j'veux m'en aller.

Je range ma guitare, nous nous excusons auprès des autres et nous éclipsons. Nous marchons sans rien dire, puis en prenant ma main il questionne :

  • À quoi tu penses petit frère ?
  • À Shane.
  • Ah non, pas encore lui !
  • Non, non, ne t'énerve pas. J'avais pas pensé à lui de la journée jusqu'à ce que t'en parles tout à l'heure. Je ne l'ai pas revu depuis un moment mais il a tout fait pour qu'on puisse être ensemble toi et moi. Il disait qu'il n'y avait que ça d'important et qu'il fallait que je te parle de ce que je ressentais pour que tu comprennes.
  • Il avait pas à ce mêlé de ça.
  • Peut-être, mais essaye de le comprendre. Il a perdu son frère jumeau qu'il aime toujours intensément et il fait notre connaissance, avec notre histoire pas courante, notre amour surdimensionné et il s'aperçoit que malgré tout on se fuit, qu'on arrive pas à se retrouver comme il faudrait. Moi aussi à sa place j'aurais cherché à réunir ces deux personnes.
  • J'ose même pas imaginer ce qui ce serait passé si je ne t'avais jamais retrouvé. Alors imaginer ce qu'il peut vivre... Mais, j'ai toujours pas confiance en lui, j'ai toujours peur de ce qui vous unis réellement, et qu'il finisse par te faire du mal.

Je souris doucement, touché par tant d’inquiétude, glisse ma main dans la sienne et nous nous remettons en route. Après quelques secondes de silence, il dit :

  • Je ne sais pas si je te l'ai déjà demandé mais, tes parents sont déjà venus à tes concerts ?
  • Jamais.
  • C'est vrai ?

J'ai un rire bref, il questionne :

  • Y a un truc drôle ?
  • Toi, et le fait que tu puisses encore croire que je peux te mentir, alors qu'après s'être promis de ne plus jamais se quitter on s'est fait la promesse de ne jamais se mentir. Et non, ils ne sont jamais venus. Comme je te l'ais dis, Mark trouvait qu'être musicien c'était stupide, donc il allait pas se déplacer pour un truc stupide. Par contre, il n'a manqué aucun spectacle de danse de Carrie. Et maman, a toujours trouvé un millier d'excuse pour ne pas venir. Je me suis toujours dis que, comme elle savait que c'était moi qui écrivait les textes elle devait avoir peur qu'ils parlent tous de toi, alors qu'en fait il n'y en a qu'un de vraiment adressé. Deux maintenant.
  • Je suis désolé, me dit-il tout bas en caressant ma main.
  • Pourquoi ? C'est pas de ta faute. Ça a même été très dur pour toi, t'as été abandonné par tes parents.
  • Par Mark seulement. Et en vérité, ça a plutôt été une chance. Parce qu'au moins j'étais aimé et heureux.
  • T'as pas tord, souffle-je.

Il dépose un baiser sur ma joue et nous arrivons enfin à la maison. Nous montons directement dans ma chambre, je pose ma guitare à sa place pendant que Zac demande :

  • Tu veux dormir là tout de suite où on se fait un truc ?
  • Là, tout de suite, j'veux un câlin et après j'sais pas.

Il s'approche et me prend dans ses bras avec une infinie tendresse. J’enfouis mon visage au creux de son cou, il laisse glisser ses mains dans mon dos en murmurant :

  • Efface les mauvais souvenirs, Petit Prince. Il n'y a plus que nous, juste toi et moi. Rien ni personne ne nous séparera plus jamais. Je suis là petit frère, juste là près de toi.

Je pose le bout de mes doigts sur son cœur en fermant les yeux, soufflant :

  • J'ai besoin de toi.
  • Détends-toi Petit Prince. Je sais que t'as horreur d'être ici, mais laisse tout ça derrière la porte. Viens, on va s'allonger.
  • Attends. Je... je peux te jouer la chanson, maintenant.
  • Bien sûr.

Assis sur le lit, ma guitare entre les bras, je me perds dans ses yeux en chantant :

« Moi, je n'ai rien compris

Je me croyais puni, et puis,

De l'Enfer qui régissait ma vie

Je suis passé direct au Paradis

C'est au fond de tes yeux

Que j'ai découvert la beauté des cieux

Mon cœur battait pour toi

Alors qu'il ne te connaissait pas

D'un sourire plein d'innocence

Tu as fais disparaître ma souffrance

Et entre tes bras j'ai trouvé

Cet amour que j'avais tant cherché.

Tu n'y crois pas

Mais sache que pour moi

Tu es un Ange

Tombé du ciel pour me sauvé

Tu es celui qui a tout changé

Celui qui m'a donné

Une raison d’exister

Tu vois, tu es, Mon Ange.

Ce qui m'est arrivé

Au monde entier

Je veux le crier

J'ai enfin trouvé

La définition du verbe aimer

Plus rien n'existe pour moi

Quand tu me prends dans tes bras

Il n'y a qu'en partageant tes nuits

Que je me sens vraiment en vie

C'est enfin main dans la main

Que nous avançons sur ce chemin.

Tu n'y crois pas

Mais sache que pour moi

Tu es un Ange

Tombé du ciel pour me sauvé

Tu es celui qui a tout changé

Celui qui m'a donné

Une raison d’exister

Tu vois, tu es, Mon Ange.

J'aime rester à tes cotés

Pour regarder nos lendemains briller

J'aime être à tes cotés

Et rêver d’Éternité. »

Après avoir reprit une dernière fois le refrain, je stoppe la musique en bloquant les cordes et murmure sans regarder mon frère :

  • Je sais que tu trouve ça bizarre que je t'appelle comme ça, mais c'est juste... comme ça que je te vois. Je... je ne vivrais plus sans toi, je ne pourrais pas.
  • Je sais. C'est aussi le cas pour moi. Et je m'excuse d'avoir mis autant de temps à me rendre compte que je ne devais plus faire comme si tout était normal. Rien ne l'est plus aujourd'hui, et c'est parfait comme ça. Même si certaines choses me font peur encore, je ne fuirais plus. Et ta chansons est magnifique, tu sais trouver les mots pour me toucher.

Je souris, il dépose un baiser sur mon front, juste pour confirmer que tout va bien, puis je me couche dans ses bras, fermant à nouveau les yeux pendant qu'il met un léger fond musical. Ses mains continuent de caresser mon dos, je sens le sommeil m'attirer à lui alors je dépose un baiser sur son épaule en chuchotant :

  • Bonne nuit, Ange.

J'esquisse un sourire, même si je trouve toujours ça étrange, j'aime qu'il m'appelle de cette façon, en avoir comprit la raison et la profondeur me touche d'autant plus. J'éteins la musique, fais basculer mon frère sur le dos pour pouvoir me lever et aller éteindre la lumière. Je reviens m'allonger près de lui, reste quelques seconde à l'observer dans la pénombre, laissant mes doigts glisser sur son visage, je l'aime tant, plus jamais je ne veux revivre ces dernières semaines de disputes, plus jamais.

25 juin, nous sommes chez les parents de Zac, et pendant qu'il discute avec eux des dernières nouvelles, de nos projets pour l'an prochain j'envoie un message à Shane : « Salut, j'vous souhaite un joyeux anniversaire. Si tu as envie de parler... » La réponse ne se fait pas attendre : « merci, c gentil d penser à ns. J peux t tel ? » Je dis à mon frère que je sors quelques minutes, puis lance l'appelle :

  • Salut Shane.
  • Salut. Ça me fait plaisir que t'ai pensé à moi et du bien d'entendre ta voix. Il y a avait longtemps.
  • Je sais, excuse-moi. Tu es avec ton frère là ?
  • Oui, souffle-t-il. J'aurais aimé te voir aujourd'hui.

  • Je comprends. Mais on ne va pas rentrer avant fin juillet.
  • Oh, d'accord. Est-ce que... est-ce qu'on se reverra quand tu rentreras ?
  • Évidement qu'on se reverra, je te le promets.
  • J'ai confiance en toi Sam. Est-ce que ça va mieux avec ton frère ?
  • Oui, ça nous fait du bien d'être rien que tous les deux, même si on déteste toujours être ici. En plus il a rompu avec sa copine avant qu'on parte donc on est vraiment ensemble.
  • C'est bien... j'suis content, me dit-il la voix brouillée de sanglot.
  • Shane, hé...
  • Désolé.
  • Non, non, ne t'excuse pas. Ça me fait de la peine qu'on soit si loin.

Pour tenter de l'apaiser un peu je me mets à chanter, j'avais encore jamais fais ça par téléphone, sauf que les larmes de Shane me touche beaucoup et je ne peux pas le laisser dans cet état. Je l’entends pleurer de plus belle, une nouvelle fois je ferme les yeux submerger par son chagrin. Puis il dit :

  • Tu me... manque... Léo.

Après un instant il murmure :

  • Merci Sam.
  • Ça va aller ?
  • On va dire que oui. J'vais rester avec Léo encore un peu et après je dois rejoindre Tim à 19h00. Si je viens pas il viendra me chercher, comme chaque année depuis 3 ans.
  • D'accord.
  • Tu peux aller retrouver ton frère, ne t'en fais pas.
  • Shane, j'voudrais...
  • Je sais Sam, tu l'as fais, je t'assure. Je me sens mieux maintenant. Même si j'ai encore plus envie de te voir.
  • Bientôt c'est promis.

Je raccroche après quelque minute et rentre retrouver mon jumeau, dont j'ai extrêmement besoin. Il est seul lorsque j'arrive dans le salon, il se tourne vers moi et s'exclame :

  • Hé, ça va toi !
  • Oui, je crois.
  • Attends, t'as fais quoi dehors ? T'allais bien avant de sortir.
  • J'ai appelé Shane.
  • Encore lui ! Pourquoi ?
  • C'est leur anniversaire aujourd'hui.
  • Son anniversaire, Sam. Son frère n'est plus là.
  • T'es cruel ! Moi je t'ai souhaité un joyeux anniversaire chaque année, il m'arrivait même de te souhaiter une bonne nuit. Pourquoi tu réagis comme ça ? Pourquoi tu le déteste autant ?
  • D'abord parce qu'il te perturbe et qu'on passe notre temps à s'engueuler à cause de lui.
  • Ok, soupire-je. On voit pas les choses de la même façon. Et quoi que tu puisses en dire il reste mon ami.
  • Même si j'aimerais que t'arrêtes de le voir ? Et qu'en plus il attend sûrement plus de toi qu'une amitié ?
  • Oui.

Il soupire avant de dire :

  • Ça me plaît pas, Sam. Ce mec là je le sens pas. Tu crois que je suis méchant, alors que je veux seulement te protéger. S'il te fait du mal je lui arrache la tête !
  • J'en doute pas. Maintenant que t'as fini de crier, je peux avoir un câlin ? Ça me perturbe quand il pleure.
  • Il n'y a pas que ça qui te perturbe chez lui et c'est bien ce qui m'inquiète. Jure-moi que tu ne cesseras jamais de me parler, même si c'est des choses que tu crois effrayantes ou bizarres. Promet-le.
  • Je te le promets grand frère, ne t'angoisse pas comme ça. Je te promets aussi qu'on ne parlera plus de lui durant tout notre séjour ici.

Il me serre plus fort contre lui, ses peurs m'envahisse et mes doutes me serre le cœur, j'suis complètement perdu. Je ne veux plus penser, tout ce que je veux c'est être avec mon jumeau, oublier tout le reste. Un instant plus tard, ses parents nous proposent d'aller faire une balade au parc Morgane. Zac et moi marchons un peu en retrait des parents et de Jenny, nos mains unis. Comme je suis encore silencieux, tout en caressant ma main Zac m'interroge :

  • À quoi tu pense encore, petit frère ?
  • J'ai promis de ne pas le dire.

Il soupire une nouvelle fois, je murmure :

  • J'suis désolé.
  • Non, torturé serait plus exacte.
  • Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?
  • Ce que je peux faire pour t'aider, pour te faire oublier ce gars et toutes les questions que tu te pose.

Après un instant de silence je tente :

  • En fait j'ai... peur de...
  • De quoi ? Dis-moi Sam.
  • De comprendre ce qui m'attire... réellement à lui et... ce que je suis vraiment pour lui. Parce qu'il a dit que... je lui rappelais beaucoup son frère.
  • Non, Sam, non ! Tout mais pas ça ! Il est hors de question que tu serves de substitue à un frère jumeau défunt, tu entends, je ne le laisserais jamais faire. Il va te faire du mal Samuel. C'est pas une relation saine, il va te faire souffrir. Je t'en prie arrête de voir ce gars.
  • J'sais pas quoi faire, Zac. J'ai l'impression d'avoir besoin de lui.
  • Plus que de moi ?
  • Non ! Pas plus, différemment. Je ne pourrais jamais avoir plus besoin de quelqu'un d'autre que de toi. Seulement pour ne pas t'étouffer il faut bien que je m'éloigne un peu de toi, et c'est lui que je retrouve dans ces moments là. Pourtant j'ai... infiniment besoin de ta présence, que tu sois près de moi.
  • Hé, je suis là, je ne vais pas m'en aller. Je ne vais plus te laisser, plus jamais. Mais je t'en prie écoute-moi quand je te dis que Shane ne pourra jamais t'apporter ce que tu veux et mérite. Il souffre trop pour parvenir à te rendre heureux.
  • On peut... l'oublier s'il te plaît. Au moins essayer.
  • D'accord, d'accord, dit-il avant de me prendre dans ses bras.

Ses parents nous rejoignent, nous demandant si nous voulons manger dehors ce soir. Nous acceptons et rentrons afin de nous préparer pour cette soirée. Tous assit autour de la table, la famille Sanders discute pendant que je les observe à tour de rôle. À nous voir comme ça, personne ne pourrait croire que je n'en fais pas partie. Il n'y a rien à faire, quoi que je fasse, où que je sois, je ne suis jamais à ma place. Dans ma propre famille je suis un fauteur de trouble et dans celle de Zacharry je n'y ai pas vraiment ma place, je ne suis pas un Sanders et ne le serait jamais. Troublé par la profonde tristesse que me causent mes pensées je prends la main de mon frère qui m'accorde enfin un peu d'attention. Il questionne tout bas :

  • Ça ne va pas ?
  • Je me sens... comme un intrus.

Il pose son autre main sur la mienne avant de dire :

  • Non, faut pas Sam. On est ta famille, crois-moi. Toi et moi on est une seule et même personne, toi et moi c'est la même chose, alors mes parents sont aussi les tiens.

Je souris doucement pour le remercier de ses quelques mots réconfortant, puis nos plats nous sont apportés. Après le dîner nous allons marcher un peu en ville tout en discutant avec les parents de Zac, mais en vérité j'ai juste envie de rentrer et de me retrouver seul avec mon jumeau. J'ai tellement besoin de lui. On est ensemble et malgré tout j'ai l'impression de manquer de lui à un point insupportable.

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